PARK CHAN-WOOK ET LA TRILOGIE DE LA VENGEANCE
Si on connaît aujourd’hui Park Chan-wook pour Stoker (2013), Mademoiselle (2016) ou la série The Little Drummer Girl (2018), le cinéaste est devenu mondialement célèbre il y a vingt ans avec Old Boy. Un long-métrage au cœur d’une trilogie, qui ressort en salles.
Nous sommes en 2003 et un homme hirsute se réveille dans une valise laissée à l’abandon au milieu d’un vaste champ. Il vient d’être libéré, après avoir passé quinze ans enfermé dans une petite pièce, sans savoir qui l’a séquestré ni pourquoi. Enfin libre, il est bien décidé à se venger. Old Boy, le cinquième film du coréen Park Chan-wook, grand prix au Festival de Cannes, à tout de l’œuvre culte pour un grand nombre de cinéphiles. On oublie pourtant parfois que ce long-métrage est la partie centrale d’une trilogie proposant plusieurs variations sur le thème de la vengeance.


C’est par Sympathy for Mister Vengeance (2002) que débute le triptyque. L’histoire suit un jeune sourd-muet prêt à tout pour sauver sa sœur, gravement malade, qui a besoin d’une transplantation de rein. Dépouillé par des trafiquants d’organes, il a la mauvaise idée d’enlever la fille d’un riche ami de son patron (joué par le héros de Parasite, Song Kang-ho) pour demander une rançon. L’évènement va déclencher un cycle de vengeances en cascade. La patte de Park Chan-wook, cette violence stylisée et cette morale ambiguë où personne n’est fondamentalement bon, qui fait tout le sel d’Old Boy, est déjà bien présente dans ce premier volet.
Elle atteindra son apothéose visuelle avec Lady Vengeance (2005), où se mélangent des éléments des scénarios des deux précédents films, mais cette fois-ci au féminin. On y suit en effet une jeune femme, accusée injustement de l’enlèvement et du meurtre de plusieurs enfants, qui met en place un vaste plan de vengeance après avoir passé une dizaine d’années en prison. Pour cet ultime épisode, Park Chan-wook s’en donne à cœur joie en jouant d’une esthétique volontairement tape-à-l’œil reprenant les meilleurs effets des clips des années 2000, du flou aux ralentis en passant par d’impressionnants mouvements de caméra. Le tout est sublimé par une bande-son particulièrement efficace quand il s’agit de mettre en valeur des personnages. En particulier pour l’héroïne, Geum-ja (interprétée par Lee Young-ae, dont c’est le rôle le plus marquant), que les robes noires cintrées et l’emblématique maquillage de tueuse de sang-froid rendent aussi grave que classe. Si la narration construite en flash-back peut parfois dérouter, Lady Vengeance est l’apothéose d’un style qui se permet ici d’étonnantes libertés – comme la présence d’un certain humour, relativement absent des films précédents – et qui s’apprécie encore plus après avoir vu Sympathy for Mister Vengeance et Old Boy. Soit le concentré d’un style qui sera par la suite souvent imité, mais rarement égalé.
Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance de Park Chan-wook,
En salles le 6 mars 2024