Le musée Picasso à Paris consacre une exposition aux premières années de création de Jackson Pollock, présentant une centaine d’oeuvres qui ont contribué à façonner l’art de l’inventeur de l’action painting.
Jackson Pollock (1912-1956) a toujours été fasciné par le travail du peintre espagnol depuis sa découverte de Guernica au MoMA en 1939. Une voie expressive qu’il a amorcée très vite au début de sa carrière. C’est ce que vient nous rappeler le musée Picasso à Paris à travers cette exposition, la première depuis celle de la Pinacothèque en 2008 dédiée à ses inspirations chamaniques. Les co-commissaires Joanne Snrech et Orane Stalpers font ainsi la lumière sur les expérimentations préparatoires, de 1934 à 1947, de ce maître de l’expressionnisme abstrait, inventeur de l’« action painting » (peinture gestuelle). Toutes ces créations reflétant les diverses influences qui ont nourri son oeuvre complexe, artistique et intellectuelle sont exposées sur les cimaises de l’institution muséale.
PARCOURS NUMÉROTÉ
Ce natif de Cody, au coeur des plaines du Wyoming, a ainsi très vite montré son art multifacette, inspiré par les arts natifs américains et par cette scène artistique new-yorkaise en mouvance, animée par les surréalistes européens en exil. Au cours de cette première décennie, Jackson Pollock a su tracer les lignes d’une trajectoire hors norme pour devenir cette figure iconique de la culture américaine des années 1950.
Un artiste pourtant déjà sous influence, aux prises avec ses problèmes d’alcoolisme depuis l’âge de 15 ans, ses démons intérieurs, ses cures de désintoxication et ses thérapies successives. Le parcours de l’exposition, scindé en salles numérotées, en écho à ses oeuvres qu’il numérotera à partir de 1948, retrace ainsi les différentes approches de cet expérimentateur, jusqu’à ses premières oeuvres en dripping.
Ce futur « Jack the Dripper » s’est passionné très tôt pour les arts amérindiens, découverts au MoMA en 1941. Mais aussi pour les rituels indiens, le réalisme régionaliste de la Grande Dépression, l’esthétique des muralistes mexicains et les avant-gardes européennes, notamment le cubisme.
ENTRE RÊVE ET RÉALITÉ
Dans l’espace muséal sont rassemblés des peintures, des gravures, des sculptures, des dessins psychanalytiques et des expérimentations de matière comme le « pouring » (déversement) et le « dripping » (égouttement). Des oeuvres nous plongent au milieu de créatures chimériques entre rêve et réalité, quand d’autres revisitent la figure hybride et surréaliste du Minotaure, chère à l’oeuvre de Picasso. Figurent également ses Accabonac Creek Series, inspirées des paysages naturels qui l’entouraient.
Le parcours retrace aussi les lieux et les personnes qui ont marqué les tournants de son évolution créative. À l’exemple de l’artiste théoricien John Graham qui l’a poussé à la reconnaissance, et de son passage à l’Atelier 17 où il côtoie certains artistes européens en exil tels que Max Ernst, Yves Tanguy et André Masson. Plusieurs oeuvres d’artistes sont d’ailleurs présentées.
FUSION D’ÉNERGIE BRUTE
Ce nouvel accrochage donne un bel éclairage à cette voie expressive empruntée par l’artiste. Et que l’on retrouve notamment dans Mural, peinture à mi-chemin entre l’abstraction et la figuration commandée en 1943 par Peggy Guggenheim pour l’entrée de sa résidence à New York. La collectionneuse d’art est aussi l’instigatrice de sa toute première exposition monographique, au sein de sa galerie Art of this Century. Cette oeuvre est également la « première expérimentation décisive de l’espace et du monumental pour l’artiste », rappellent les co-commissaires. Et c’est à ce moment-là que le peintre abandonne la figuration pour se plonger dans l’expressionnisme abstrait, puis dans la technique du dripping.
Les premières années de création de Jackson Pollock présentées au musée Picasso montrent ainsi tout le génie latent de ce démiurge et adepte du all-over, marié à la peintre Lee Krasner, qui a toujours considéré que les tableaux avaient une vie autonome.
« JACKSON POLLOCK : LES PREMIÈRES ANNÉES (1934-1947) » MUSÉE PICASSO
5, RUE DE THORIGNY, PARIS 3E DU 15 OCTOBRE 2024 AU 19 JANVIER 2025
MUSEEPICASSOPARIS.FR