Il y a des lieux qui résonnent, des tables qui marquent une époque et des chefs qui transforment une adresse en une signature. Le Christine, ce repère gastronomique niché dans une ruelle pavée de Saint-Germain-des-Prés, entame une nouvelle ère sous la direction du chef Rodolphe Despagne. Formé dans les cuisines de ChoCho, il insuffle ici une vision audacieuse où la sensibilité culinaire épouse une créativité libérée.

Dès les premières bouchées, l’expérience se dessine avec une série d’amuse-bouches qui donnent le ton. Un topinambour soufflé, croustillant et aérien, dévoile la profondeur d’une chair fermentée, relevée par une mayonnaise à la levure inactive et une fine poudre de champignon. Une bouchée qui semble simple mais révèle un travail d’orfèvre. Puis vient une tartelette croustillante, où la légèreté d’une mousse de foie de volaille dialogue avec l’intensité d’un kimchi. Une feuille de sauge en couronne l’ensemble, ajoutant une touche aromatique inattendue. Enfin, un clin d’œil à la tradition revisitée : une pomme dauphine associée à un camembert affiné au calvados, un mariage entre onctuosité et caractère.
L’entrée s’annonce tout aussi réjouissante. Une brioche beurrée d’une générosité exquise accueille un tarama maison délicatement iodé, accompagné d’un céleri rémoulade qui apporte une touche de fraîcheur. La physalis, aussi appelée cerise de terre, ajoute une légère amertume qui équilibre chaque saveur, tandis que la boutargue, précieuse et salée, ponctue l’ensemble avec une intensité maîtrisée.
L’un des moments les plus attendus du dîner s’incarne dans le plat signature du chef : des moules fumées de Galice, dont la taille impressionne autant que la tendreté de leur chair. Sublimées par une émulsion marine issue du premier jus d’ouverture des coquillages, réduit et crémé pour en intensifier les saveurs iodées, elles se parent de salicornes glacées au citron, relevées par le peps du citron fermenté et le croquant des éclats de noisette.
Puis vient la terre, avec un carré de cochon ibérique rosé, simplement saisi sur un barbecue japonais. La peau croustillante contraste avec une chair d’une tendreté absolue. Il est accompagné d’une béarnaise sabayon, où l’huile d’estragon insuffle une note herbacée envoûtante. À ses côtés, un brocoletti, ce brocoli sauvage italien, se pare d’une sauce signature du chef : un équilibre subtil entre sauce vierge à l’estragon et persil, relevée d’ail et d’un jus réduit intensément français.
Le moment du dessert suspend le temps, convoquant ces souvenirs d’enfance où le sucré se fait éclatant. La pomme Granny Smith et le kiwi déshydraté sont travaillés pour retrouver les marqueurs gustatifs acidulés d’un bonbon d’antan. De fines tranches de pomme croquantes, un sorbet vivifiant et un yaourt léger, passé au chiffon pour en extraire l’essence de l’onctuosité, s’assemblent en un dessert en strates. Un gel de pomme et de yuzu, parfumé à la cardamome noire, exacerbe cette explosion de fraîcheur, tandis que des éclats de meringue et de kiwi offrent une touche croquante et aérienne.
Le Christine est un écrin où la précision rencontre l’émotion, où chaque assiette résonne comme une promesse tenue. À travers cette renaissance, Rodolphe Despagne inscrit Le Christine dans une nouvelle dynamique où audace et raffinement ne sont plus des options, mais une signature. Et pour ceux qui veulent prolonger l’expérience, l’accord mets et vins pensé avec finesse révèle une autre dimension de cette cuisine inspirée.
©GéraldineMartens
1 rue Christine, Paris 6E