L’art visuel polymorphe et engagé de Steve McQueen

L’artiste et réalisateur britannique primé aux Oscars nous offre dans trois expositions à New York et en Suisse une expérience sensorielle entre son, couleur et lumière, doublée d’une exploration des récits de la diaspora africaine.

Steve McQueen, Bass (detail), 2024. © Steve McQueen. Photo: Don Stahl

Steve McQueen fait partie de ces artistes protéiformes. Le cinéaste britannique de 56 ans est principalement connu pour ses longs métrages engagés, formellement inventifs et politiquement pointus, comme Hunger, 12 Years a Slave, Small Axe ou encore dernièrement Blitz

Depuis plus de trente ans, ce diplômé de la Chelsea College of Art and Design et de l’université Goldsmiths à Londres expérimente les potentialités du cinéma – mais aussi de la vidéo, de l’installation et de la photographie – en tant que matériau, outil documentaire et moyen de narration. Ses thèmes ne cessent de sonder en profondeur la question d’identité, l’histoire et l’impact de l’esclavage, les structures de pouvoir et la politique raciale. 

Aujourd’hui, celui qui vit entre Amsterdam et Londres expose sa nouvelle œuvre, scindée en deux parties, dans trois institutions culturelles. D’abord dans les galeries new-yorkaises Dia Beacon et Dia Chelsea de la Dia Art Foundation, qui célèbre ses 50 ans d’existence ; ensuite, elle s’installera dans les espaces du musée Schaulager en Suisse, qui avait déjà présenté en 2013 plus de 20 de ses œuvres cinématographiques.

Steve McQueen, Bass, 2024. Installation view, Dia Beacon, New York, May 12, 2024–April 14, 2025. © Steve McQueen. Image: Dan Wolfe 

De la réflexion aux émotions

L’installation à la Dia Beacon, intitulée Bass, consiste en un environnement composé d’éléments structurels entre son et lumière. L’œuvre spatiale est composée de 60 caissons lumineux, installés au plafond, qui émettent un spectre changeant de lumières colorées, et de trois piles de haut-parleurs qui diffusent des sons graves. En simultané, la lumière change de couleur et inonde l’espace, quand la composition sonore se répercute sur toutes les surfaces. 

L’idée de cette œuvre prend comme point de départ l’histoire du jazz, du film structurel et du Passage du milieu, cette traversée de l’Atlantique subie par des Africains, enlevés et emmenés de force vers les Amériques pour y être réduits en esclavage. 

Steve McQueen a collaboré avec le bassiste Marcus Miller, qui a réuni un groupe de musiciens afro-diasporiques. La partition enregistrée répond ainsi à la lumière changeante, à la résonance de l’espace et à la rencontre des deux. « Réalisée avec des instruments de basses acoustiques et électriques, dont la basse malienne n’goni, la composition reflète les idiomes musicaux hybrides, résultant de la traite transatlantique des esclaves entre l’Afrique de l’Ouest, les Amériques et les Caraïbes », explique la curatrice Donna De Salvo, conservatrice de la Dia Beacon. 

Cette expérience sensorielle s’appuie sur les recherches formelles en cours de Steve McQueen sur le son, la lumière et la couleur, tout en adoptant l’abstraction comme « méthode de transmission de l’indicible ». « Je veux placer le public dans une situation où chacun devient extrêmement sensible à lui-même, à son corps et à sa respiration », souligne-t-il.

Steve McQueen, installation view, Dia Chelsea, New York, 2024–25. © Steve McQueen. Photo: Don Stahl. Courtesy Dia Art Foundation.

Histoires de la diaspora africaine

Dans l’espace Dia Chelsea, le réalisateur réunit cette fois trois œuvres qui explorent les récits de la diaspora africaine sur deux décennies de sa carrière. L’exposition est centrée sur Sunshine State (2022), une projection vidéo à deux canaux et double-face qui fait appel à un moment de la vie de son père, examinant les notions d’identité et de stéréotypes raciaux. 

Elle présente également Exodus (1992-1997), un de ses premiers films, centré sur deux Antillais dans les rues de Londres, et Bounty (2024), une série photographique sur des fleurs trouvées à Grenade, ville natale de ses parents. 

Cette exposition, commandée à l’origine par le Festival international du film de Rotterdam, marque les débuts de Steve McQueen sur la côte Est des États-Unis, mettant en lumière son lien avec la Floride. 

Ensemble, ces deux parties, que les visiteurs pourront découvrir en juin au Schaulager en Suisse, entremêlent ainsi sa réflexion sur son ascendance et sur le Passage du milieu, ses études formelles entre son et lumière, personnel et politique. Une œuvre globale, partagée entre plusieurs espaces, médias et technologies.

Steve McQueen, Bass, 2024. Installation view, Dia Beacon, New York, May 12, 2024–April 14, 2025. © Steve McQueen. Photo: Bill Jacobson Studio, New York

Steve McQueen, Bass (detail), 2024. © Steve McQueen. Photo: Don Stahl

« Steve McQueen » : Bass
Dia Beacon
3 Beekman Street, Beacon, New York (États-Unis)
Jusqu’au 26 mai 2025
diaart.org

« Steve McQueen »
Dia Chelsea
537 West 22nd Street, New York (États-Unis)
Jusqu’au 19 juillet 2025
diaart.org

« Steve McQueen »
Schaulager
Ruchfeldstrasse 19, Münchenstein (Suisse)
À partir de juin 2025
schaulager.org

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