Il y a des expositions qui marquent, d’autres qui bouleversent. FEMMES, présentée par Pharrell Williams à la Galerie Perrotin, appartient sans conteste à cette seconde catégorie. Entre hommage vibrant et manifeste d’une créativité sans frontières, cette exposition célèbre le génie pluriel des artistes féminines, tout en interrogeant leur place dans le monde de l’art contemporain. À travers près de 40 artistes, FEMMES résonne comme un chant puissant, une déclaration d’amour et de respect, mais aussi un rappel urgent de la nécessité de visibiliser ces voix qui façonnent notre époque.

Une collaboration sous le signe de l’engagement
L’amitié entre Pharrell Williams et Emmanuel Perrotin remonte à 2007, scellée par leur admiration commune pour Takashi Murakami et l’effervescence de la scène artistique japonaise. Depuis, leur dialogue n’a cessé d’évoluer, naviguant entre art, musique et mode. Avec FEMMES, ils prolongent leur engagement en faveur d’une culture plus inclusive et transversale. « L’art est un vecteur de transformation. Il crée du dialogue, questionne et inspire. Avec cette exposition, nous avons voulu offrir une plateforme aux artistes qui réécrivent l’histoire en temps réel », confie Pharrell.
Après l’exposition G I R L en 2014, hommage à la féminité et aux muses qui l’entourent, Pharrell Williams signe ici une nouvelle partition. FEMMES ne se limite plus à un regard personnel ; elle devient une exploration collective de la multiplicité des expériences féminines, un kaléidoscope où s’entrelacent mémoire, identité et réinvention.
Une constellation de talents au cœur de l’exposition
Dès l’entrée, l’exposition capte le regard, envoûte et déconstruit les évidences. Les œuvres se répondent dans un dialogue intuitif et puissant. La sélection orchestrée par Pharrell Williams reflète sa sensibilité éclectique, à la croisée de l’histoire de l’art, du design et de la culture pop.
Les figures tutélaires comme Betye Saar et Carrie Mae Weems côtoient la puissance évocatrice de Zanele Muholi et Tschabalala Self, tandis que les expérimentations textiles de Kapwani Kiwanga et Georgina Maxim tissent de nouvelles narrations visuelles. La matière, qu’elle soit textile, picturale ou photographique, devient un terrain de jeu où s’exprime une parole singulière, tour à tour intime et universelle.
L’empreinte du corps est omniprésente. Otis Kwame Kye Quaicoe et Prince Gyasi réinventent la représentation des figures noires, oscillant entre force et vulnérabilité. Naomi Lulendo, quant à elle, joue sur la fragmentation, interrogeant les tensions entre mémoire et territoire. Dans les sculptures de Kennedy Yanko, l’acier dialogue avec des textures souples et sensuelles, brouillant les frontières entre force brute et délicatesse.
Le textile, longtemps relégué au second plan dans l’histoire de l’art, s’impose ici comme un médium narratif puissant. Emma Prempeh superpose les couches de peinture comme des strates de souvenirs, tandis que Thandiwe Muriu détourne les motifs traditionnels pour questionner les injonctions faites aux femmes.
Theresa Chromati, Seasonal Bloom, 2024, Courtesy of the artist
Un hommage à la transmission et aux héritages culturels
FEMMES est une ode aux lignées créatives, aux influences qui s’entrelacent à travers les générations. Les œuvres de Mequitta Ahuja, Joana Choumali et Malala Andrialavidrazana explorent les liens entre passé et présent, tissant une cartographie sensible où se mêlent archives, mythologies personnelles et récits collectifs.
Cette notion d’héritage traverse également l’approche curatoriale de Pharrell Williams. En tant que directeur artistique de la mode masculine chez Louis Vuitton, il tisse ici un pont entre l’univers du luxe et les expérimentations plastiques des artistes exposées. Le dialogue entre artisanat, haute couture et art visuel est omniprésent, notamment dans les œuvres de Kenia Almaraz Murillo et Katia St. Hilaire, où la matière devient vecteur d’histoire et de réinvention identitaire.
Kathia St. Hilaire, Mamita yunai, 2023, © Guillaume Ziccarelli Courtesy of the artist and Perrotin
Une célébration de la réinvention et de la résilience
FEMMES n’est pas une exposition sur « la femme », mais bien sur des femmes plurielles, complexes, insoumises aux étiquettes. Loin des stéréotypes et des discours figés, l’exposition révèle des parcours de vie marqués par la réinvention et la résilience.
Le travail de Gaëlle Choisne, par exemple, met en lumière les tensions postcoloniales et écologiques, tandis que Lauren Kelley détourne l’iconographie pop pour révéler ses ambiguïtés sous-jacentes. Chiffon Thomas, à travers ses sculptures hybrides, interroge les notions de genre et de mémoire corporelle. Chaque œuvre raconte une histoire, une revendication, une nécessité d’exister autrement.
Une immersion dans un espace sensoriel et émotionnel
Loin d’un accrochage académique, FEMMES est une expérience immersive où les œuvres s’imposent avec une présence presque charnelle. Pharrell Williams joue sur les contrastes et les confrontations, provoquant des dialogues inattendus entre abstraction et figuration, entre minimalisme et explosion chromatique.
L’exposition se vit comme une déambulation, une invitation à laisser son regard glisser, à se laisser surprendre par un détail, une texture, une ombre. Ici, la lumière caresse les sculptures de Eden Tinto Collins, là, un tableau de Reggie Burrows Hodges semble absorber le spectateur dans une atmosphère feutrée. Chaque espace révèle une facette du récit global, dessinant une cartographie sensorielle de la création contemporaine.
Un manifeste pour l’avenir
FEMMES n’est pas une exposition éphémère, c’est une prise de position, un manifeste qui inscrit les artistes féminines au cœur du récit artistique actuel et futur. Pharrell Williams et Emmanuel Perrotin offrent ici plus qu’un simple écrin aux œuvres : ils créent un lieu d’émancipation, un espace où l’art devient un levier de changement.
L’exposition se tiendra du 20 mars au 19 avril 2025 à la Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, Paris.