LUDOVIC NKOTH – LA CHAIR DU MONDE

À la galerie Massimo De Carlo de Milan, Ludovic Nkoth livre avec « Physical Proof » une méditation picturale sur le corps, la mémoire et l’acte de créer dans un présent fragmenté. Entre force et vulnérabilité, ses figures suspendues incarnent le tumulte du monde et la persistance du vivant.

Ludovic Nkoth, Moving Mountains, 2025

Dans les salles épurées de la galerie milanaise, les toiles de Ludovic Nkoth semblent palpiter. Les chairs s’y déploient dans un mouvement incessant, entre apparition et effacement. Corps interrompus, gestes suspendus, silhouettes qui s’extirpent de la matière picturale comme d’une mémoire enfouie : tout, chez Nkoth, relève d’une tension entre présence et disparition. Ce n’est pas tant l’anatomie qu’il peint que l’expérience d’être au monde, dans ce qu’elle a de précaire, de mouvant, d’incomplet.

L’exposition « Physical Proof » s’impose comme une réflexion sur le « maintenant » – cet instant fugace où se jouent à la fois la création et la survie. Pour Nkoth, peindre revient à traduire le désordre de l’époque : crises politiques, fractures identitaires, blessures intimes. L’artiste, né au Cameroun et installé à New York après ses études en Caroline du Sud, en a fait une méthode : celle du témoin et du corps à corps. « J’existe dans les deux espaces, celui de l’observateur et celui de l’interprète », explique-t-il. Cette dualité traverse ses toiles comme une pulsation : le peintre se filme, pose, s’incarne dans ses propres figures avant de les dissoudre dans la matière, brouillant la frontière entre soi et l’autre, entre le geste et sa trace.

Ludovic Nkoth, The Council, 2025

Ce va-et-vient entre appartenance et exil irrigue toute son œuvre. Adolescent fraîchement immigré aux États-Unis, il dut endosser une identité d’Africain-Américain, habiter une histoire qui n’était pas la sienne. De cette expérience de déplacement naît une peinture de la tension, de la lutte – celle, physique, de ses personnages en plein combat ou en pleine danse –, mais aussi celle, intérieure, d’un homme qui cherche sa place dans le récit du monde. Ses figures boxent, esquivent, se heurtent à l’air même, comme si chaque mouvement devenait un acte de survie.

Dans ces scènes picturales, le sport, la performance, le rituel deviennent autant de métaphores de la condition humaine. Nkoth ne peint pas des athlètes, mais des êtres en quête de sens. La sueur, la lumière, les couleurs vives – roses, jaunes, bruns profonds – s’imbriquent pour construire un langage du corps qui parle à la fois de douleur et d’espoir. L’épaisseur de la peinture et ses empâtements sensuels transforment la toile en peau ; une peau à la fois personnelle et collective, mémoire des luttes et des renaissances.

En peignant le présent avec une telle intensité, Ludovic Nkoth ne documente pas le réel : il le traverse. Ses œuvres rappellent que le corps, malgré les fractures de l’histoire, demeure le premier lieu de résistance, la preuve physique – physical proof – que vivre, c’est encore créer.

« Ludovic Nkoth : Physical Proof »
Galerie Massimo De Carlo

Viale Lombardia, 17, Milan (Italie)
Du 24 septembre au 15 novembre 2025

massimodecarlo.com

Ludovic Nkoth, TBT

Ludovic Nkoth, Mapping the sea, 2025

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