Dans un monde saturé d’images et de récits éclatés, “You” fait figure d’ultime confession. Un thriller amoureux où le cœur bat aussi fort que la lame du couteau. Avec cette cinquième et dernière saison, Netflix offre à Joe Goldberg une sortie en forme d’abîme : fascinante, glaçante, terriblement humaine.

La chute d’un ange déchu
C’est un personnage que l’on croyait connaître par cœur. Joe Goldberg, silhouette aussi banale qu’inquiétante, traversait les écrans depuis cinq ans en baladant ses obsessions sous le vernis trompeur du romantisme. Mais You n’a jamais été une série de simples frissons. Sous ses dehors de polar chic, elle a creusé plus profondément : dans l’anatomie du désir, du regard, du pouvoir. Cette saison 5, qui sonne comme un requiem, pousse enfin Joe jusqu’à l’ultime confrontation – celle de sa propre monstruosité.
À Londres, dans cette ville grise et stratifiée, Joe se démultiplie. Professeur respecté, amant insatiable, meurtrier méthodique : il incarne à lui seul toute la duplicité d’un siècle numérique où chacun réécrit son mythe intime. Le vernis social craque, le prédateur émerge, mais dans un écho troublant : Joe ne tue plus seulement les autres – il tente de tuer l’homme qu’il fut.
Un miroir de notre époque
La série, signée Sera Gamble et Greg Berlanti, a toujours su manier l’ironie. Ici, elle devient presque mélancolique. Car You a compris avant beaucoup d’autres que nos identités sont des fictions recyclées à l’infini. Que l’amour contemporain se consomme aussi vite qu’il se surveille. Et que derrière chaque écran allumé, il y a peut-être un Joe – un être prêt à tout confondre : l’amour et l’appropriation, le soin et la possession.
Penn Badgley, dans cette saison, atteint son apogée : un jeu feutré, carnassier, où chaque sourire devient une promesse de chaos. Il faut saluer l’audace de l’acteur, qui ose rendre son personnage encore plus insaisissable, moins attachant, plus dérangeant que jamais.
Une série qui termine là où elle devait
Le final de You est d’une beauté cruelle. Pas de rédemption facile, pas de geste héroïque : juste la logique implacable d’un homme qui se regarde enfin dans le miroir sans baisser les yeux. Le récit se referme comme une boucle parfaite, ramenant Joe à sa solitude essentielle – ce vide originel qu’aucun amour, aucun meurtre, aucune métamorphose n’a su combler.
Au fond, You n’était pas une série sur un tueur. C’était une série sur nous : sur notre besoin de croire que l’on peut tout recommencer, se réinventer, s’absoudre à jamais. La saison 5, en ce sens, n’est pas seulement une fin : c’est un adieu lucide, sans fard, à l’illusion romantique.Netflix signe ici une conclusion magistrale, à rebours des séries qui s’éternisent jusqu’à se parodier. You sort les bras chargés de ses paradoxes : sanglant, élégant, tragiquement humain.