QUAND LA TABLE DEVIENT REPAS

À rebours des restaurants figés et des cérémonials convenus, une nouvelle scène gastronomique transforme la table en rituel, l’assiette en manifeste, et le repas en performance. Des collectifs comme We Are Ona ou des designers comme Idan Gilony réinventent l’expérience du dîner, la métamorphosant en une œuvre éphémère, immersive, presque magique.

We Are Ona : manger l’instant

Ils ont mangé dans une salle de bain de marbre. Dans une chapelle désaffectée. Sur des blocs de béton bruts, à la lumière de phares de voitures. Avec We Are Ona, chaque dîner est une proclamation. Fondé par Luca Pronzato, ancien sommelier du Noma, le collectif est l’étoile montante d’une gastronomie nomade, sensible et radicale.
À Paris, pendant la Fashion Week, une fontaine composée d’éviers s’élevait au centre d’un immense carré d’acier. Un décor ? Non, une déclaration. Un hommage à ceux qu’on ne voit jamais. Les mains dans la mousse. Les anonymes du back-office culinaire. Et autour, une table : ni ronde ni carrée, mais vivante, éclatée, conçue avec USM et Willo Perron. La matière parle autant que la cuisine. L’inox réfléchit les visages. Les plats racontent un territoire. Et l’espace tout entier devient partie prenante de l’expérience.
Chez We Are Ona, le menu s’adapte à la région, au lieu, au moment. Chaque dîner est unique. Le Mexicain Lucho Martinez propose une cuisine latino inspirée et locale. À Venise, c’est un chef japonais qui joue sur les échos aquatiques. Le mobilier est démontable, réversible. L’assiette n’est qu’un chapitre du récit.

Idan Gilony : l’objet en convive

À l’opposé du spectaculaire, mais dans la même quête de sens, Idan Gilony imagine des pièces de mobilier comme des catalyseurs d’émotions. Designer israélien installé entre Tel-Aviv et Paris, il propose une vision quasi spirituelle de la table : un lieu de tension, de réunion, de rituel.
Sa série Intimate Dialogues joue sur les courbes, les ombres et les proximités. La table devient médiatrice. Elle suggère le lien, le rapprochement. Elle ne se contente plus de supporter les assiettes, elle guide les corps, oriente la conversation. Chez Gilony, la matière est pensée comme une extension du geste. Bois, pierre, métal brut : chaque texture influe sur le rythme du repas.
Son travail a été exposé dans des galeries où l’on ne goûte rien… sauf peut-être l’idée même de partage. Il conçoit ses pièces comme des ponts entre les disciplines : art, design, cuisine. Pour lui, « manger ensemble » est un acte politique. La forme de la table induit un type de relation, un type de monde.

Le repas comme installation

Ce que l’on observe ici, c’est plus qu’une tendance : c’est un déplacement. Un déplacement du centre de gravité du repas. De la cuisine vers la salle. Du plat vers la table. De la fonction vers la sensation. La gastronomie devient performative, plastique, et temporaire. On ne vient plus « manger un plat », on vient vivre une scène.
Ces expériences, éphémères par essence, puisent dans les codes de l’installation artistique. Elles mobilisent l’espace, la lumière, le son. On y dîne souvent à la bougie, entre ruines post-industrielles et architectures brutalistes. Le silence y est parfois plus nourrissant que le vin. Et l’objet-table devient l’acteur principal de la soirée.
Ce n’est plus le service qui dicte la temporalité, mais l’ambiance. Le repas épouse les courbes du lieu, sa température, sa mémoire. À cet instant précis, dans ce décor unique, le collectif We Are Ona ou le mobilier d’Idan Gilony racontent une histoire – et chacun des convives en devient coauteur.

weareona.co/fr

©idangilony

Des experiences et une culture qui nous définissent

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