Compressé et cousu, alternativement densifié ou libéré, il se mue en formes abstraites aux réminiscences organiques et à l’énergie contenue. Poétique et existentiel, cet art de la transformation est aussi le miroir de nous-mêmes.

Hanne Friis aime créer l’illusion. Ce n’est qu’en s’approchant de ses sculptures que l’on reconnaît le matériau qu’elle a utilisé : une matière textile qu’elle transforme de main de maître. Formée à la sculpture et à la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Trondheim, en Norvège, entre 1992 et 1996, c’est en peignant que lui est venue l’idée de détourner le support de la toile pour le sculpter. Tous les textiles recelant ce potentiel de transfiguration et de déclinaison des motifs à l’infini, elle les explore sans limites, du raffinement du velours et de la soie aux laines multicolores qu’elle traite comme un peintre impressionniste, jusqu’aux matières plastiques dorées ou imitant le cuir.

Avec les textiles, elle a trouvé sa forme d’expression idéale, leur flexibilité lui permettant de les plier et de les replier pour créer des formes en mouvement, fixées en les cousant ensemble manuellement à l’aiguille, mais jamais figées, car pouvant s’accroître à l’envi. Débutant avec des rouleaux de tissu, aussi neutres qu’une page blanche invitant à l’écriture, le processus de création, non limité à la couture, constitue un véritable cheminement pouvant réserver des surprises infléchissant l’idée première. Hanne Friis aime mettre son énergie dans ce processus créatif à la fois physique et mental, requérant de la concentration tout en recelant une dimension méditative. Sa lenteur inscrit la notion de temps et d’évolution dans les oeuvres. Elle fait écho à l’aspect organique que prennent ses formes abstraites. Les marches en forêt et en bord de mer ont sans doute nourri l’inspiration de l’artiste, dont le travail rappelle que nous sommes connectés à la nature.

Comme un leitmotiv, Hanne Friis nous donne à voir le cycle de la vie, évoluant lui aussi perpétuellement avec le temps, de la naissance de formes bourgeonnantes aux cellules créées par les replis de la matière, jusqu’aux aux rides pesantes et aux drapés fantomatiques. Les accidents de la vie se lisent dans la topographie de la matière. Animées par le mouvement que leur a imprimé le corps de l’artiste, ces créations semblent habitées par une présence intrinsèque, comme une forme de vie primordiale, à la fois sauvage et contenue. Au-delà de leur étrange beauté, elles provoquent une réflexion nourrie par leur ambivalence. Suspendues aux murs ou se déployant librement dans l’espace, elles constituent une métaphore poétique de nos existences.

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