Le Museum Barberini en Allemagne retrace l’histoire de l’abstraction géométrique au XXe siècle à travers sa figure de proue, Wassily Kandinsky, accompagnée d’une centaine d’œuvres de plus de 70 artistes iconiques d’Europe et des États-Unis.

L’exposition collective explore sur six décennies la puissance considérable de l’univers du peintre russe Wassily Kandinsky (1866-1944), façonnant une nouvelle voie qui trace « des lignes de connexion dans l’histoire de l’abstraction géométrique ». Le constructivisme, le Bauhaus, De Stijl, l’Abstraction-Création, la peinture Hard Edge, la peinture Color Field et l’Op Art, interprétés comme des mouvements isolés, définissent ici les diverses frontières de cette expression radicale qui s’est déployée en Europe et aux États-Unis. C’est ce que dévoile le musée Barberini à Postdam. L’institution culturelle sonde les différentes facettes de ce mouvement réduit, au fil du temps, à un jeu de couleurs, de lignes et de formes à travers la vision de nombreux artistes emblématiques.

Langage visuel du monde moderne
Les œuvres de Josef Albers, Sonia Delaunay, Barbara Hepworth, El Lissitzky, Agnes Martin, Piet Mondrian, Bridget Riley, Frank Stella, László Moholy-Nagy ou encore Victor Vasarely s’exposent ainsi sur les cimaises. Selon leurs courants respectifs, ces pionniers de l’art ont puisé dans les technologies et les théories avancées de leur époque.
Certains se sont inspirés des concepts de la quatrième dimension et du continuum espace-temps dans la théorie de la relativité d’Albert Einstein, quand d’autres, issus par exemple de l’Op Art, se sont nourris de la course à l’espace à travers l’alunissage en 1969.
L’objectif de l’exposition est donc de remettre en lumière l’univers de Kandinsky, tel un socle qui a donné naissance à des peintures et des sculptures ayant préfiguré « la réalité actuelle » et offert de nouvelles expériences « de l’espace et du temps ».
Théories avant-gardistes
Ortrud Westheider, directrice du musée Barberini, rappelle que celui dont l’œuvre met en évidence les synergies entre l’art et la science a trouvé son inspiration dans les toiles de Claude Monet (La Meule de foin, 1886), lors d’une exposition sur les impressionnistes à Moscou en 1896.
C’est à partir de 1910 qu’il fait entrer l’abstraction dans sa peinture, publiant un an plus tard son traité Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, centré sur « l’effort de réduction de l’intangible – l’inspiration, l’âme et l’harmonie ».Ce chantre de la « nécessité intérieure » a toujours revendiqué l’importance de la spiritualité dans la création artistique.
Avec son livre Point-ligne-plan : contribution à l’analyse des éléments picturaux, paru en 1926, il jette les bases théoriques des formes. Depuis lors, ses analyses approfondies entre couleur, plan, volume, espace, temps et mouvement n’ont eu de cesse d’exercer une influence plurielle et pléthorique au fil des années.

Ben Nicholson, Painting 1937, 1937, Oil on canvas, 79.5 x 71.5 cm, The Courtauld Gallery, London
Échange des idées
Sa contribution à l’art et à la science, à la synesthésie et aux neurosciences, à la mémoire et à la pensée théosophique (et plus encore) reste aujourd’hui « l’une des plus radicales et des plus provocatrices », rappelle encore Ortrud Westheider. Et cette exposition collective en est un parfait exemple.
« Avec des images de formes géométriques flottant dans un espace indéfini, les artistes exposés ont cherché à représenter des thèmes cosmiques et des niveaux spirituels supérieurs », explique-t-elle. L’analyse curatoriale couvre ainsi un large spectre, abordant les échanges artistiques en Europe de l’Est et de l’Ouest dans les années 1920 et 1930. L’accrochage retrace également la migration des idées vers les États-Unis dans les conditions d’exil et inclut pour la première fois la Grande-Bretagne.
« Sur soixante-dix ans, ces artistes ont réduit la peinture à des formes fondamentales », poursuit-elle, précisant : « Tous ont cherché à transcender les limites picturales au moyen de grilles et de champs de couleur, et ont élargi leurs possibilités picturales et l’espace imaginatif de leurs spectateurs encore et encore. »



Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Sammlung BeyelerKenneth Noland, Half-Time, 1964, Acrylic on canvas, 177.8 x 177.8 cm, Private collection
« Kandinsky’s Universe: Geometric Abstraction in the 20th Century »
Museum Barberini
Alter Markt, Humboldtstraße 5–6, Potsdam (Allemagne)
Du 15 février au 18 mai 2025








