Rencontre avec Lisa Do Couto, vue notamment dans Barbaque. La jeune actrice nous explique son parcours, ses attentes et ses rêves dans un milieu où la discrimination reste encore présente.

François Berthier : C’est parti ! Alors, Lisa, dis-moi tout, de ta vie à ta mort… (rires) Non, je plaisante, ce n’est pas une vraie question. Plus sérieusement, je pose cette question à tout le monde : quel est ton premier rapport au cinéma ?
Lisa Do Couto : Mon premier souvenir de cinéma, c’est que je n’ai jamais vraiment pris les films trop au sérieux. La télé tournait souvent en fond, et si je voyais qu’un film commençait, je regardais sans forcément me demander qui l’avait réalisé ou qui jouait dedans. C’était un truc d’adultes, en fait. Avec mon frère, on adorait aller chez Vidéo Futur pour louer des films. On alternait avec d’autres vidéoclubs parce que si on rendait un DVD en retard ou qu’il était trop rayé, c’était compliqué… Mais ouais, c’est un peu ça, mon premier rapport au cinéma.
Tu avais quel âge à ce moment-là ?
On habitait encore à Mantes, donc j’avais 6 ou 7 ans, peut-être un peu moins. Il y avait encore la boutique physique, mais aussi un genre de distributeur automatique pour louer des films quand elle était fermée.
Et ça t’a donné envie de faire du cinéma, ou c’est venu plus tard ?
C’est arrivé beaucoup plus tard. J’ai toujours adoré lire et imaginer des histoires. Ce qui est génial avec la lecture, c’est que chacun se fait ses propres images dans sa tête. Mais l’envie de jouer est vraiment venue à l’adolescence.
Et à l’école, comment étais-tu ?
En primaire, j’étais une bonne élève. J’ai toujours beaucoup participé en classe, et j’avais de la répartie, surtout quand on se moquait de mes cheveux ou qu’on me faisait remarquer que j’étais différente. Au collège, ça a été un peu plus difficile, surtout à partir de la cinquième. J’avais plus de mal avec les notes, mais j’ai toujours aimé participer. Je n’étais pas relou, mais je posais beaucoup de questions.
Tu dirais que ta scolarité a influencé ton envie de faire du cinéma ?
Non, pas vraiment. Je pense que mon envie vient surtout de mon enfance et de la lecture. Au collège, on nous imposait des livres à lire, et ça me bloquait. Mais quand j’ai commencé le théâtre, je suis retombée sur certains textes et j’ai réalisé qu’ils étaient passionnants. J’aurais adoré les découvrir autrement, mais à l’époque, j’avais ce truc de vouloir lire ce que je voulais.
Tu as un problème avec l’autorité ?
Peut-être un peu, oui ! (rires) Mais c’est surtout que j’aime comprendre pourquoi on me demande de faire quelque chose. C’est pour ça que j’avais du mal en maths : on nous donnait des règles à appliquer sans explication. Je demandais souvent : « Pourquoi ? », et ça agaçait certains profs.
Et du coup, comment ça se passe avec les réalisateurs et réalisatrices ?
Plutôt bien, parce que ce n’est pas une relation d’autorité, mais de collaboration. On travaille ensemble. Jusqu’ici, j’ai toujours pu poser des questions et proposer des choses.
Donc, tu n’as jamais eu affaire à des réalisateurs qui imposent leurs choix sans discussion ?
Non, pas pour l’instant. Souvent, si j’ai une question, on en parle, et on essaie différentes choses. Mais c’est vrai que parfois, en photo, j’ai plus de mal. Quand un shooting commence et qu’on me dit : « Fais ça, puis ça », j’ai plutôt envie de proposer quelque chose d’abord. Sinon, j’ai l’impression d’être enfermée dans une boîte.
Tu as suivi une formation théâtrale, notamment au cours Florent. Comment cela t’a aidée dans ton parcours ?
Je cherchais des cours de théâtre quand j’étais au collège à Mantes-la-Jolie, sauf que moi, j’habitais à la campagne, et pour être à l’ENM (le cours de théâtre de Mantes) il fallait habiter à Mantes. Donc ça veut dire que j’étais tout le temps sur une liste d’attente interminable, et en terminale ma cousine m’a proposé de m’inscrire au cours Florent tout en faisant le lycée. Donc tous les samedis, je montais à Paris pour suivre des cours, ce qui m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes et de sortir un peu de mon quotidien à Mantes-la-Jolie. Ensuite, j’ai intégré la formation professionnelle, que j’ai dû arrêter en 2020 à cause du Covid. Mais cette formation m’a donné des bases solides. C’est important de continuer à pratiquer, que ce soit par des coachings ou des ateliers, pour ne pas perdre certains réflexes.
Tu te souviens de ton premier casting ?
Oui ! J’ai passé deux castings quasiment en même temps, pour Barbaque et Skam, et j’ai décroché les deux rôles. J’étais super heureuse, surtout pour ma mère. Elle a toujours été très exigeante, elle voulait qu’on ne perde pas de temps avec des illusions. Je me souviens qu’au cours Florent, elle avait dit au directeur pédagogique : « Si elle est nulle, vous nous le dites, on n’a pas de temps à perdre ! » (rires). Donc, obtenir mes premiers rôles, c’était une manière de prouver que je pouvais y arriver.
Entre deux tournages, comment occupes-tu ton temps ?
C’est toujours un peu compliqué… La dernière fois que j’ai tourné, ça remonte à presque un an. En ce moment, je prépare mon visa pour Los Angeles, donc en attendant, je travaille dans la restauration pour économiser un peu. J’écris aussi, j’ai envie de lancer un projet. Et puis, quand je peux, je voyage.
Tu aimerais réaliser un jour ?
Oui, beaucoup ! J’adore raconter des histoires, alors passer derrière la caméra, ça me tente énormément.
Pourquoi Los Angeles ?
J’ai signé avec une agence de mannequinat là-bas, et l’idée serait de faire comme à Paris : commencer par le mannequinat et ensuite me faire une place en tant qu’actrice. J’ai l’impression que là-bas, il y a plus d’opportunités et surtout, les questions qu’on te pose sont différentes. Quand j’y suis allée en novembre 2023, j’ai ressenti une énergie particulière. C’est sûr que c’est un énorme investissement, il y a beaucoup d’incertitude, mais je préfère essayer plutôt que de regretter de ne pas l’avoir fait.
Tu ressens des barrières en France dans ton métier ?
Je ne peux pas encore comparer, car je n’ai pas passé de castings aux États-Unis. Mais en France, parfois, on me dit : « Ah, on pensait que tu étais plus noire », comme si je ne correspondais pas à une certaine case. Pour mes castings, que j’aie les cheveux attachés ou lâchés, c’est une vraie question. Comme si cela changeait tout mon visage. On me l’a tellement dit que maintenant, avant un casting, je demande souvent si mes cheveux doivent être attachés, avec des nattes, etc. Aux USA, j’ai l’impression qu’on te demande d’abord ce que tu sais faire, qui tu es, avant de vouloir te ranger dans une catégorie. C’est cette ouverture qui m’attire.
Et si ça ne marche pas ?
Alors au moins, j’aurai essayé. Je préfère me dire que j’ai tout tenté, plutôt que de me demander à 40 ans ce qui aurait pu se passer si j’avais osé.