Lisandro Alonso

LISANDRO ALONSO, CINÉASTE DE L’AUTRE AMÉRIQUE

Avec son sixième long-métrage, Eureka, étrange film en trois temps, le cinéaste argentin Lisandro Alonso poursuit le chemin unique qu’il trace dans le cinéma international depuis La Libertad en 2001.

Il n’avait plus tourné depuis Jauja, il y a près de dix ans. Lisandro Alonso est de retour avec Eureka, un long-métrage ambitieux, de presque deux heures trente, qui semble contenir trois films en un. Il y a d’abord le pastiche d’un western en noir et blanc dont le rôle principal est tenu par Viggo Mortensen. Il y a ensuite, et c’est le cœur du film, sa partie la plus riche et la plus dense, le récit naturaliste du quotidien d’une officier de police autochtone, de nos jours, dans la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Enfin, le film se conclut par une dernière partie plus onirique, façon réalisme magique, suivant l’odyssée d’un jeune amérindien quittant son village natal d’Amazonie dans le Brésil des années 1970. Trois segments qui peuvent sembler très disparates mais qui participent évidemment à une réflexion vaste et complexe sur la notion d’autochtone et de colon en Amérique. 

Ce nouveau film est le fruit poétique – car chez Alonso la politique passe toujours par la poésie – d’un long travail de recherche et de documentation. En préambule, dans les réserves indiennes des États-Unis, où les habitants se sentent abandonnés, notamment celle de Pine Ridge où le cinéaste a séjourné quelques mois. Et puis, ce film est aussi né d’une rencontre avec la culture aborigène, où la nature occupe une place prépondérante.

La nature. Le sujet de prédilection de Lisandro Alonso, cinéaste né dans une famille d’agriculteurs. Elle était déjà au cœur de son premier long-métrage, La Libertad. Aussi simple que radical, La Libertad raconte une journée ordinaire dans la vie simple et frugale d’un bûcheron, solitaire, en pleine nature, dans la Pampa argentine. Dans son deuxième film, Los Muertos, le héros est un ancien bagnard qui quitte la civilisation en direction d’un vaste marécage au sein d’une jungle impénétrable. Avec Liverpool (2008), le cinéaste nous emmène cette fois dans un hameau enneigé au fin fond de la Patagonie. Une vaste région où il retourne enfin avec le western Jauja en 2014, où déjà la question de la colonisation de l’Amérique – ici à travers le massacre des populations autochtones à la fin du XIXe siècle – est posée. Ainsi, de film en film, Lisandro Alonso offre une image inhabituelle mais précieuse du grand continent américain, plaçant la nature avant les villes, les indigènes avant les colons. Une autre Amérique.

Eureka de Lisandro Alonso 

Sortie en salles le 28 février 2024

Pierre Charpilloz

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