Baptiste Masseline, La fureur de jouer

Accidenté enfant, Baptiste Masseline est passé à deux doigts de la mort. Son envie de vivre et son courage l’ont poussé à se battre. Devenu comédien par le hasard des choses, il fait aujourd’hui partie de notre sélection de comédiens en devenir.    

François Berthier : Comment es-tu devenu comédien ?

Baptiste Masseline : À la base, ce n’était pas un choix du tout ! Je n’avais pas de désir particulier pour le cinéma dans ma jeunesse. Mais voilà, petite anecdote : à 11 ans, je traînais souvent dans la rue avec mes potes. Un jour, alors que je devais les rejoindre, j’ai été renversé par une voiture banalisée de police qui roulait à fond dans une ruelle.

Un policier t’a renversé ?

Ouais, en voiture banalisée, et même pas avec le gyrophare ! Je pense que le mec rentrait du travail. Ce qui est fou, c’est qu’à une seconde près, je n’étais plus là…

Quelles ont été les conséquences de cet accident ?

J’ai passé un an en fauteuil roulant, puis un an et demi en béquilles. À 11 ans, c’est un âge où tu te construis, et moi, j’ai toujours pensé que ce qui me permettait de me construire, c’était le regard des autres. Mais après l’accident, ce regard avait changé : soit on ne me regardait plus par peur de déranger, soit on me regardait avec pitié… 

Tu dis que le regard des autres a beaucoup compté. Comment as-tu géré cette période ?

C’était compliqué. J’ai pris du recul sur ce que je vivais. Il y a une scène dans Intouchables qui m’a marqué : François Cluzet dit à son pote que son aide-soignant, Omar Sy, lui tend un téléphone alors qu’il ne peut pas le prendre. Ce sont ces petites choses qui te rappellent ta situation, alors que tu essaies de les oublier…

Tu sembles avoir un mental solide. Ça vient de ton éducation ?

Carrément ! Chez nous, on n’a pas l’habitude de se plaindre. Ma mère et mon père sont très énergiques, et la règle, c’est : « OK, il t’arrive ça ? Tu deal avec ce que t’as. »

Comment as-tu commencé le karaté ?

Vers mes 16 ans, quand j’ai commencé à remuscler ma jambe. J’avais un petit boitement que je voulais gommer. Le karaté est vite devenu une passion ! Mon prof, en me voyant arriver, m’a demandé ce qui m’était arrivé. Quand je lui ai raconté, il m’a dit : « Dans un an, tu seras champion de Paris. » Et il avait raison !

Tu as vraiment été champion de Paris ?

Oui ! J’ai fait les championnats avec mon club, le Kajyn, dirigé par Daniel Serfati – je l’embrasse, d’ailleurs ! La première fois que j’ai gagné, j’étais ceinture orange. Ensuite, j’ai enchaîné, gagné plusieurs fois, participé aux championnats de France, et on a fini deuxième en équipe.  

Le karaté t’a aidé à te reconstruire physiquement, mais qu’en est-il du mental ?

C’est une autre histoire. À 11-12 ans, je ne trouvais plus de « beau » dans ma vie. J’en ai parlé à ma mère, et elle m’a répondu que sa réponse n’était pas la mienne. Pour elle, vivre, c’était s’occuper de ses enfants, remplir le frigo, aller au boulot. Mais moi, je n’avais ni gosse ni taf.

Comment as-tu retrouvé un sens à ta vie ?

J’ai compris que j’avais besoin de deux choses : bouger et parler. Bouger, ce n’était pas possible à cause de ma jambe. Alors ma mère m’a conseillé d’écouter les autres.

Écouter les autres ?

Oui ! Elle m’a dit que si j’apprenais des choses sur les gens, je pourrais leur parler des sujets qui les concernent, et ainsi créer du lien. Du coup, je me suis mis à écouter une fille de ma classe, Émilie, qui parlait tout le temps de cheval. Le soir, je cherchais des infos sur les galops, le saut d’obstacles… Puis un jour, j’ai glissé une question sur le sujet et elle a répondu avec enthousiasme. C’était la première fois depuis longtemps que quelqu’un me parlait normalement, sans pitié ni gêne. 

Tu dirais que cette approche t’a aidé à mieux communiquer ?

Carrément ! C’est comme ça que j’ai commencé à développer mon goût pour l’échange, l’écoute… et, quelque part, ça m’a mené vers la comédie.

Et aujourd’hui, tu es comédien. Ce parcours était donc presque écrit ?

Peut-être bien ! Mais à la base, c’était juste un moyen de revivre après l’accident. Finalement, c’est devenu ma vie.

Et ton premier casting ?

Mon premier casting, c’était pour le film De Gaulle avec Lambert Wilson. J’avais un texte à préparer et je me souviens que mon rendez-vous était à 12 heures. Je suis arrivé à 10 heures, parce que je voulais avoir le temps de revoir mes scènes dans un café. Ça s’est extrêmement bien passé ! J’avais peut-être mal appris mon texte, mais cette expérience m’a fait réaliser que c’était vraiment ce que je voulais faire de ma vie. J’ai kiffé !

Et après, comment ça s’est passé ?

C’était une super expérience. Au départ, je n’avais pas passé de casting pour Mixte, une autre série. C’est Amazon qui avait parlé de moi à Andrea, la directrice de casting. On a pris rendez-vous et comme toujours, j’étais en avance. J’ai cette peur d’être en retard, donc je préfère toujours attendre un peu. On a tout de suite accroché, notamment grâce à notre passion commune pour le sport. Andrea était danseuse professionnelle, et ça crée une vraie discipline. On partage cette rigueur du travail, qu’on retrouve autant dans le sport que dans la préparation des rôles.

Tu aimerais jouer dans un film ou une série qui te permette de mettre à profit tes compétences en karaté ?

J’écris justement un film sur mon accident et sur le karaté. C’est un long métrage sur lequel je travaille depuis un moment ; j’en suis à la deuxième version, il ne reste plus que la fin à écrire. Andrea me connaît très bien maintenant, et je pense que ce serait logique qu’elle le réalise, parce que moi, je n’aurais pas assez de recul pour le faire. J’ai déjà parlé du projet à un producteur, Grégory, qui avait produit Nudes, et il est très intéressé. 

Et maintenant, quels sont tes projets ?

Je vais tourner dans deux semaines avec Jérôme Commandeur dans une réalisation où j’incarne Laurent Lafitte jeune. Ensuite, j’ai plusieurs castings et callbacks en attente. Je préfère ne rien dire tant que ce n’est pas confirmé. Parfois, tout est aligné et ça ne se fait pas pour des raisons qui nous échappent, comme une fois cette ressemblance trop marquée avec l’actrice principale, qui aurait pu nous faire passer pour des frère et sœur.

Tu ressens souvent un lien entre ton vécu personnel et ton travail d’acteur ?

Oui, carrément ! Par exemple, sur Nudes, il y avait une scène de rupture qui m’a particulièrement marqué. Dans le texte, il fallait juste dire « au revoir » et partir. Mais en jouant, je me suis retrouvé face à Raïka, qui avait des yeux marron semblables à ceux d’une fille dont j’avais été très amoureux. Elle était partie du jour au lendemain, sans explication. En tournant cette scène, j’ai ressenti toute la douleur que je n’avais jamais vraiment affrontée, et j’ai fondu en larmes. C’était comme une catharsis, une façon inconsciente de faire le deuil de cette relation. Ça m’a permis d’avancer.

Que représente Cannes pour toi ? 

Un futur. J’y suis jamais allé et je n’irai que si j’ai quelque chose à y faire. Y aller juste pour observer, ce serait un peu angoissant pour moi. Mais si j’y vais un jour, ce sera avec un projet solide. 

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