À travers le récit comique de la fuite de trois Américaines d’origine hispanique vers l’Espagne, La Terre des femmes, nouvelle série d’Apple TV+ produite et interprétée par Eva Longoria, joue habilement avec la notion d’identité. Un concept cher à l’actrice très engagée sur les questions d’intégration. Découverte d’une personnalité aux multiples talents.
C’est en 2004 que le monde entier a découvert Eva Longoria sous les traits de Gabrielle Solis, dite Gaby, ex-mannequin devenue malgré elle une femme au foyer, délaissée par son mari businessman. C’était le phénomène Desperate Housewives : Eva Longoria incarnait un nouveau type de personnage latino-américain à la télévision. Dans la série, Gaby et son mari Carlos, venus de Guadalajara, au Mexique, ont fait fortune aux États-Unis, et Gaby s’est fait une place de choix dans la noblesse très WASP de Wisteria Lane. Un rôle emblématique qui a beaucoup fait pour l’image de la communauté latino à la télévision américaine, encore très rarement représentée au début des années 2000 (ou alors reléguée à des rôles stéréotypés de gangster ou d’aide-ménagère), alors qu’elle représentait plus d’un quart de la population américaine.


Tout au long de sa carrière, Eva Longoria a eu à coeur de faire entendre la voix latino en Amérique. Pourtant, l’actrice n’est qu’une fille lointaine de l’immigration. Née aux États-Unis, au Texas, elle fut Miss Corpus Christi (sa ville natale) dans sa prime jeunesse, et n’a appris à parler l’espagnol qu’à l’âge de 40 ans – elle confesse d’ailleurs régulièrement se faire encore corriger par son fils de cinq ans, Santiago Enrique. C’est avec son rôle d’Isabella Braña Williams dans Les Feux de l’amour, dès 2001, que la comédienne de 26 ans devient une icône pour sa communauté. Sa performance est saluée d’un ALMA Award, les « Latino Oscars », et son talent intéresse particulièrement les milieux hispanophones. Elle joue ainsi en 2004 (en anglais) dans Señorita Justice et Carlita’s Secret, films d’exploitation dédiés exclusivement à la communauté américaine d’origine hispanique, avant que Desperate Housewives ne lui ouvre la voie d’un cinéma moins communautaire.
On aurait pu croire que, sortie du ghetto, Eva Longoria dissimulerait son identité latino pour exister parmi les actrices américaines ordinaires. Au contraire : celle qui s’est toujours présentée comme « Texican » (contraction de « Texane » et de « Mexicaine ») a toujours été fière de ses grands-parents mexicains et de leurs ancêtres espagnols. Inspirée par Jennifer Lopez et par la chanteuse Selena, sa compatriote de Corpus Christi et icône de la musique latino disparue tragiquement à l’âge de 23 ans, Eva Longoria a toujours eu à l’esprit d’être un modèle pour toutes les jeunes filles issues de l’immigration aux États-Unis. Égérie L’Oréal, businesswoman (elle a ouvert son restaurant à Los Angeles et lancé sa marque de parfum), l’actrice a placé une partie de ses revenus dans une fondation qui vise à accompagner de jeunes Latino-Américains dans leur réussite scolaire et universitaire. En effet, si la part d’Américains d’origine hispanique ne cesse d’augmenter, ils constituent néanmoins une population encore trop peu représentée dans les grandes écoles. Membre d’une commission en faveur de la création d’un musée national des Latino-Américains, Eva Longoria s’est aussi illustrée par son engagement politique contre certaines mesures anti-immigration défendues par le camp républicain, aux côtés de stars latino-américaines de la nouvelle génération comme America Ferrera.


Mais c’est surtout à travers les films et les séries que l’actrice, qui fait partie des femmes d’influence à Hollywood, fait résonner cet engagement. En 2015, elle a joué le rôle principal de la sitcom Telenovela, qui raconte avec humour les coulisses du tournage d’un soap opera hispanophone autour d’une actrice latino qui ne parle pas un mot d’espagnol. Si les 11 épisodes ne rencontrent pas le succès attendu, la série a le mérite de tenter de réconcilier le public latino, familier des telenovelas, et l’Américain moyen néophyte en la matière, qui découvre ce monde à travers les yeux du personnage principal. En 2023, Eva Longoria réitère, en passant cette fois derrière la caméra avec Flamin’ Hot : l’improbable biopic du self-made-man mexicano-américain Richard Montañez, inventeur des Flamin’ Hot Cheetos, l’un des produits les plus populaires de la marque de chips, symbole d’une rencontre réussie entre la junk food américaine et la culture mexicaine du piment. Enfin, après plusieurs années à apprendre la langue de ses ancêtres, la comédienne produira prochainement un remake en espagnol de la série française à succès Dix pour cent, à destination du public d’Amérique latine et des États-Unis.
Mais en attendant cette future réalisation, Eva Longoria démontre sa maîtrise de la langue de Cervantès dans la série américano-espagnole La Terre des femmes, diffusée à partir du mois de juin sur Apple TV+. Elle y interprète Gala, une new-yorkaise dont la vie se trouve bouleversée lorsqu’elle découvre que son mari doit beaucoup d’argent à des individus peu fréquentables. En compagnie de sa mère et de sa fille, elle décide alors de fuir le pays pour se réfugier dans le petit village catalan d’où sa mère est originaire. Une comédie très réussie, prétexte à un beau portrait de trois générations de femmes, et à une passionnante réflexion sur l’identité : d’où l’on vient, où l’on est, mais surtout, où l’on a envie d’être.
LA TERRE DES FEMMES, SÉRIE CRÉÉE PAR RAMÓN CAMPOS, GEMA R. NEIRA ET PAULA FERNÁNDEZ
À PARTIR DU 26 JUIN 2024 SUR APPLE TV+








