Silencieux et sensible, Gio Staiano capture ce que l’œil pressé ignore : les plis du réel, les marges de la mode, le naturel des visages. Itinéraire d’un photographe discret et essentiel, entre Londres, la côte amalfitaine et les capitales de la mode.

Il ne fait pas de bruit. Il ne cherche pas la lumière. Et pourtant, Gio Staiano éclaire. Il éclaire ce que nous ne regardons pas : l’attente avant le défilé, le moment où la pose se défait, les gestes que personne ne demande. Son œuvre s’écrit dans le retrait, dans une tension subtile entre précision documentaire et pudeur émotionnelle. Gio Staiano n’impose pas son regard, il l’offre.
Né en 1975 sur la côte amalfitaine, il grandit face à la mer. À 24 ans, il quitte l’Italie pour Londres, sans idée précise, sinon celle d’apprendre l’anglais. Il y restera seize ans. La capitale anglaise devient son laboratoire. Il y étudie la photographie au London College of Communication, puis assiste des photographes dans la mode, la musique, la publicité. Il y apprend la technique, bien sûr, mais aussi la patience. Il comprend vite que ce qu’il cherche ne se trouve pas dans l’effet, mais dans la présence. Dans la façon de regarder.
Un passage par le Danemark, une rencontre amoureuse, une fille, une vie de famille. Staiano construit autant son œuvre que son existence par déplacement, avec lenteur, en choisissant le déracinement. Son appareil devient un outil de lien : il photographie pour comprendre, pour s’approcher.
Depuis 2007, il travaille en indépendant. Très vite, il attire les maisons qui cherchent autre chose. Il collabore avec Iris van Herpen, Jean Paul Gaultier, Hugo Boss, Vetements dès leurs débuts. Ce n’est pas la mode qui l’attire, mais ce qu’elle cache, ce qu’elle permet de révéler. Il photographie les défilés, mais toujours depuis le bord du podium, loin du cœur de la scène, à l’affût des expressions, des tensions, des silences auxquels on ne prête d’ordinaire pas attention. Il rend visibles les non-événements, les gestes parasites, les émotions furtives.
Ce regard, il l’a construit en observant les maîtres. Bourdin, Leibovitz, Avedon, Lindbergh, mais aussi les grands du reportage, notamment ceux de Magnum. Il admire leur capacité à raconter sans juger, à s’effacer derrière le sujet. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’image parfaite, mais l’image juste.
En 2011, il commence à voyager pour suivre les fashion weeks : Paris, New York, Milan, Londres, mais aussi Kiev, Dubaï, São Paulo, Amsterdam. Il emporte toujours avec lui un petit appareil Fuji discret, qu’il appelle son « pseudo-Leica ». Avec lui, il entame un projet personnel au long cours : capturer les moments invisibles, les interstices du monde. Pendant sept ans, il compose une sorte de fresque du non-dit. Ces images ne racontent pas une histoire. Elles capturent une sensation, une humeur, un état intérieur.
Aujourd’hui, Gio continue de photographier, pour lui et pour les autres. Il collabore régulièrement avec le New York Times, et ses images sont parues dans Vogue, I-D, Dazed, The Guardian, Elle… Mais il garde la même humilité, la même rigueur. Il photographie avec douceur. Avec respect. Comme on s’adresse à quelqu’un qu’on aime.
Photographed exclusively for Vetements. Zurich, 2021.