Photographe allemand né en 1969 à Würzburg, Horst Kistner incarne une figure singulière de la scène photographique contemporaine. Formé à la prestigieuse école Lette-Verein de Berlin, il a d’abord signé pendant plus de vingt ans des campagnes publicitaires et culinaires pour des maisons telles que GU, Bertelsmann ou Time-Life à Londres. Depuis 2013, il se consacre exclusivement à son travail artistique, façonnant des univers à la croisée du théâtre, du cinéma et de la peinture.

Contrairement à la photographie documentaire qui capture l’instant, Horst Kistner pratique une photographie intégralement mise en scène. Chaque image naît d’un processus patient et rigoureux où il conçoit et agence lui-même les décors, les accessoires, les éclairages et même le choix des modèles. « Je crée un espace artificiel dans l’espace », dit-il.
Dans sa série emblématique My Vintage Stories, Kistner revisite avec précision l’esthétique des années 1950 et 1960, influencé par le réalisme américain d’Edward Hopper, le film noir français et la peinture baroque du Caravage. Les scènes qu’il compose mêlent décors rétro et touches surréalistes : une cafetière renversée traçant un cercle parfait autour de beignets, une femme avec un poisson rouge, qui regarde vers l’inconnu, ou encore une passagère assise à côté d’un bouquet de roses, tuba en main. Pour donner vie à ces tableaux photographiques, Horst Kistner a construit de ses propres mains en 2023 un décor inspiré de l’intérieur d’un ferry, réaménagé plusieurs fois pour affiner chaque détail. Le résultat : des images qui semblent suspendues dans le temps, ouvertes à l’interprétation du spectateur.
Sur plus de 400 mètres carrés à Karlsruhe, Kistner entrepose un véritable trésor d’accessoires et de meubles vintage, qu’il utilise pour ses compositions. Chaque tapisserie, fenêtre ou luminaire est choisi et positionné avec soin. Si la technologie permet aujourd’hui de manipuler numériquement les images, Horst Kistner refuse presque entièrement le recours à ces outils. « Pensée analogique, lumière réelle, tout est mis en scène », résume-t-il.
Son approche relève presque de l’artisanat d’art : un dialogue entre photographie, peinture et cinéma. Les références revendiquées vont d’Edward Hopper à Gregory Crewdson, Erwin Olaf ou David Lynch, tous connus pour leur maîtrise de l’atmosphère et de la narration visuelle.
Horst Kistner s’est imposé comme l’un des rares représentants allemands de la mise en scène photographique. Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions personnelles et collectives à travers l’Europe et l’Asie, notamment au Deutsches Fotomuseum, à l’Art Market Budapest, au Festival de photographie de Yixian en Chine, et dans des galeries telles que Michaela Helfrich à Berlin ou Koppelmann à Cologne. Il a également reçu plusieurs prix internationaux prestigieux, dont le Grand Prix du Trierenberg Super Circuit en 2017.
Horst Kistner vit et travaille à Karlsruhe, mais ses images voyagent bien au-delà, dans un territoire visuel qui reste résolument le sien : entre lumière et ombre, silence et récit.











