Dans les vastes galeries de la Bourse de Commerce, un souffle inédit traverse les espaces : celui de l’Arte Povera, mouvement artistique italien né à la fin des années 1960, aujourd’hui réinterprété à travers une exposition monumentale. Commissariée par Carolyn Christov-Bakargiev, spécialiste mondialement reconnue, cette mise en scène convoque treize artistes emblématiques et plus de 250 œuvres, orchestrées en une chorégraphie immersive et poétique.

Un mouvement contre le consumérisme
L’Arte Povera, littéralement « art pauvre », s’érigeait comme une réponse provocatrice à l’industrialisation galopante et au consumérisme effréné de l’Italie d’après-guerre. Germano Celant, critique et théoricien du mouvement, décrivait ces artistes comme des alchimistes de la matière, explorant la nature, les flux d’énergie et les métamorphoses physiques. À travers des matériaux humbles – bois, plomb, terre – et des gestes simples, les œuvres renversent les codes traditionnels de l’art occidental, privilégiant l’expérience à la représentation.
Une scénographie en mouvement
L’exposition, qui s’étend sur plusieurs niveaux, invite les visiteurs à déambuler dans un univers où chaque espace raconte une histoire distincte tout en résonnant avec le tout. La Rotonde, cœur vibrant de la Bourse de Commerce, devient une agora où les œuvres dialoguent : l’iconique « Fibonacci Sequence » de Mario Merz éclaire de sa logique mathématique une forêt imaginaire où cohabitent les sculptures d’arbres pétrifiés de Giuseppe Penone. Ici, la matière se transforme, joue avec le vide et le plein, nous rappelant les cycles vitaux de la nature.
Plus loin, dans le Salon, les matelas réfrigérés de Pier Paolo Calzolari figent l’ordinaire dans une danse glacée, tandis que les installations d’Emilio Prini interrogent le rapport homme-machine. Chaque galerie s’attarde sur l’univers singulier d’un artiste : les miroirs troublants de Michelangelo Pistoletto englobent le spectateur dans une quête d’utopie collective, et les « Living Sculptures » de Marisa Merz transforment l’intime en sublime.
Un héritage vivant
Loin d’être figé dans le passé, l’Arte Povera dialogue avec le contemporain. Dans les interstices de l’exposition, les œuvres d’artistes comme Pierre Huyghe ou Otobong Nkanga témoignent de l’héritage du mouvement, réactivant ses questionnements sur la matérialité, la transformation et l’éthique de la création.
Pour Carolyn Christov-Bakargiev, l’enjeu est clair : replacer l’humain au cœur de l’univers, à une époque où la virtualité tend à effacer les relations tangibles. À travers cette exposition, elle révèle une histoire d’art et de pensée qui s’étire bien au-delà des frontières italiennes, unissant l’expérience sensorielle à une réflexion sur notre place dans le cosmos.
Un rendez-vous incontournable
Ouverte jusqu’au 20 janvier 2025, cette exposition offre bien plus qu’un regard sur un mouvement artistique. Elle propose une immersion dans un monde où le banal devient extraordinaire, où la matière brute dévoile une profondeur spirituelle. Dans l’élégance du cadre de la Bourse de Commerce, l’Arte Povera se dévoile dans toute sa puissance poétique et politique.
Pour plus d’informations regarder le site de la Bourse de Commerce.