L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LE CHANT FONT-ILS BON MÉNAGE ?
L’antenne nord des Serpentine Galleries présente la toute première exposition solo du duo berlinois formé par Holly Herndon et Mat Dryhurst. Une installation sublime et fascinante, abordant le sujet de la création artistique et de l’intelligence artificielle, via le prisme du chant.

L’IA est une thématique qui revient régulièrement dans les expositions des Serpentine Galleries. Aujourd’hui, l’institution londonienne l’évoque par le biais des oeuvres de Holly Herndon et Mat Dryhurst, mises en scène dans la présentation The Call. Celle-ci s’appuie sur une collecte de données vocales, réalisée dans des chorales de tout le Royaume-Uni, ayant permis d’alimenter une base de données. Une association singulière où les voix humaines se mêlent à la machine, permettant la participation des visiteurs.

D’après Herndon et Dryhurst, l’IA doit être perçue comme une « technologie de coordination ». Comme ils l’expliquent : « Depuis des millénaires, le chant en groupe et les techniques associées […] sont des rituels de communication de masse, nous permettant de construire des espaces et des structures pour recueillir, traiter, transmettre des informations et créer du sens dans la vie sociale et civique. »

Pour donner naissance à leur oeuvre, les artistes ont composé un recueil d’hymnes et d’exercices de chant. Celui-ci a été interprété par 15 chorales et capturé par un protocole d’enregistrement multicanal dans le cadre d’une tournée de collectes au printemps 2024, de Belfast à Leeds, de Bristol à Beith et dans de nombreuses autres villes. L’objectif de cet ensemble est de montrer comment l’IA peut améliorer la puissance et l’art de la voix, mais aussi d’envisager de « nouvelles méthodes culturelles, juridiques et techniques nécessaires pour construire des systèmes d’IA de manière collaborative et éthique ». « Avec The Call, nous proposons une belle façon d’utiliser l’IA. Nous envisageons la création des données, l’entraînement du modèle, mais aussi la façon dont l’oeuvre qui en est issue est dévoilée », explique Holly Herndon.

Pour ce qui est de la partie matérielle et physique, le duo a fait appel aux services du Studio Sub, dirigé par Niklas Bildstein Zaar, pour penser la pièce principale de l’exposition, qui accueille le visiteur à son arrivée.

Habillée de blanc immaculé et de doré rutilant, la salle prend l’allure d’un instrument, comme un orgue venant aussi bien du passé que du futur, car équipé de ventilateurs utilisés pour refroidir les unités de traitement graphique. En son centre figure une plaque de laiton, sur laquelle est gravée la figure d’un enfant soufflant dans un ancien instrument à vent. Derrière elle se cache l’un des modèles d’AI entraînés pour l’occasion. Une deuxième oeuvre, baptisée The Wheel, inspirée par les chandeliers présents dans les lieux pieux et évoquant la lumière divine, symbolise ici les différentes
captations de chants au Royaume-Uni. Enfin, la partie la plus impressionnante pour le public reste la section accueillant The Oratory. Confronté à une fresque, toujours ornée de blanc et d’or, le visiteur est invité à improviser au micro, afin que l’IA lui réponde à travers un chant. Une expérience saisissante et déroutante.

« HOLLY HERNDON AND MAT DRYHURST: THE CALL »
SERPENTINE NORTH GALLERY
WEST CARRIAGE DR, LONDRES (ANGLETERRE)
JUSQU’AU 2 FÉVRIER 2025
SERPENTINEGALLERIES.ORG