VENISE 2025 : UN LION D’OR POUR JIM JARMUSH… ET POUR SAINT LAURENT

Lion d’Or à la Mostra de Venise 2025, Father Mother Sister Brother, le quatorzième long métrage de fiction de Jim Jarmush, est aussi le septième film produit par Anthony Vaccarello, le directeur artistique d’Yves Saint Laurent. Retour sur une collaboration mode-cinéma aussi exceptionnelle que fructueuse. 

Father Mother Sister Brother ©Carole Bethuel Vague Notion

C’est en 2019 que la maison Saint Laurent fait ses premiers pas dans la production cinématographique sous l’égide de son nouveau directeur artistique – qui succède depuis 2016 à Hedi Slimane – Anthony Vaccarello. Ce premier geste de cinéma est signé d’un cinéaste particulièrement visuel, aussi reconnu en France qu’admiré à l’étranger, Gaspar Noé. C’est une commande de Vaccarello, qui impose au cinéaste la présence de talents qui collaborent à la marque : les égéries Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle, ainsi que plusieurs mannequins, dont Abbey Lee et Mica Argañaraz. Le résultat : un moyen métrage de sorcières épileptique et semi-improvisé dont les images (en particulier la fin) impriment longtemps la rétine. La fusion parfaite entre le geste artistique d’une maison de couture (il va de soi que les personnages sont habillés en Saint Laurent) et le choc cinématographique d’un film de Gaspar Noé. Le film est sélectionné – hors compétition – à Cannes et bénéficie, fait exceptionnel pour un film de court métrage, d’une sortie en salles. Dans le même temps, la maison de couture projette le film dans son flagship store parisien et convoque l’imaginaire visuel du film (ainsi que les égéries Gainsbourg et Dalle) pour mettre en avant son univers stylistique. 

A partir de 2023, Saint Laurent lance une campagne utilisant des réalisateurs comme égéries : Abel Ferrara, Pedro Almodovar, David Cronenberg ou Jim Jarmusch. C’est la série de photos « Director’s Cut » où, sous l’œil du photographe David Sims, ces cinéastes au look particulièrement marqué voient leur style revisité par Vaccarello pour la collection Printemps-Eté de Saint Laurent Homme. A chaque fois, des photographies en noir et blanc et un total look noir, souvent avec des lunettes de soleil. Soit la statue du commandeur du cinéaste en maestro. 

Father Mother Sister Brother ©Frederick Elmes Vague Notion

Mais la collaboration ne s’arrête pas à un shooting. Saint Laurent Production produit (ou coproduit) au moins un film de chacun de ces cinéastes : notamment dès 2020 pour Abel Ferrara avec le documentaire Sportin’ Life et en 2023 pour Pedro Almodovar avec le court métrage western Strange Way of Life, qui reprend le modèle de Lux  Æterna, avec cette fois ci un casting masculin, Ethan Hawke et Pedro Pascal. À chaque fois, les films sont sélectionnés soit à Cannes, soit à Venise, c’est-à-dire dans les plus prestigieux festivals de cinéma internationaux.

Dès 2024, Saint Laurent Production passe à la vitesse supérieure. Les films ne sont plus des « side projects » dans la carrière des cinéastes. Ce sont des films de long métrages et de fiction, qui concourent à Cannes ou Venise en compétition. Au Festival de Cannes 2024, ce sont trois films produits par Anthony Vaccarello qui s’offrent le luxe de la compétition officielle. Il y a Les Linceuls, le film testamentaire de Cronenberg ; Parthenope, la lettre d’amour à Naples de Paolo Sorrentino ; mais aussi le fameux Emilia Pérez de Jacques Audiard, qui obtiendra le Prix de la Mise en Scène à Cannes et deux Oscars. Dans le même temps, avec Saint Laurent Production, Anthony Vaccarello va même plus loin dans le geste cinéphile, ressuscitant Pasolini avec Fabrice Du Welz (et à nouveau Béatrice Dalle) pour La Passion selon Béatrice et contribuant même à l’un des derniers films post-mortem de Jean-Luc Godard, Film annonce du film qui n’existera jamais : « Drôles de guerres »

Le couronnement vénitien de Father, Mother, Sister, Brother, dernière (co)production Saint Laurent en date, parachève la place désormais légitime de Saint Laurent dans le paysage cinématographique. Anthony Vaccarello rencontre Jim Jarmush dès 2021, lorsque le cinéaste signe un court film pour la collection été 2021 de la marque. Le réalisateur, qui a toujours refusé de faire des publicités, avoue avoir été fasciné par le style Vaccarello et par sa volonté de collaborer avec des cinéastes (des précédentes campagnes avaient été tournées par Gaspar Noé et Wong Kar-Wai). Cette nouvelle collaboration, bien que plus personnelle, s’inscrit donc dans la continuité d’une relation de travail. Et si le film débute, aux côté des logos des autres partenaires, par les mots « présenté par “Saint Laurent par Anthony Vaccarello” », il s’agit d’une œuvre personnelle de Jarmush (des récits entremêlés sur les relations humaines, fidèles au style de l’auteur de Coffee and Cigarettes) et dont Vaccarello, comme chacun des producteurs, a garanti le final cut et l’absence d’ingérence commerciale. 

Pour autant, l’engagement d’Anthony Vaccarello dépasse à nouveau le simple partenariat financier, puisque le couturier est crédité, à titre personnel, comme « créateur artistique ». Il n’a pas signé les costumes – ils sont de Catherine George, collaboratrice de longue date de Jarmush – ni le décor. Pour autant, son style a infusé dans ce film porté par Tom Waits, Adam Driver et Vicky Krieps, mais aussi Charlotte Rampling et Cate Blanchett, deux égéries Saint Laurent ère Vaccarello. C’est le pari réussi de la maison Saint Laurent, qui va au-delà de la traditionnelle collaboration d’un couturier les costumes. Il ne s’agit plus d’habiller, mais de faire infuser un style dans les grandes œuvres personnelles qui marquent le cinéma contemporain.  

Father Mother Sister Brother ©Yorick Le Saux Vague Notion

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