Cet automne-hiver 2025-2026, la mode change de ton. Le minimalisme, roi discret des saisons passées, cède la place à une tout autre énergie : celle de l’excès, de l’opulence, de l’audace sans détour. Les bijoux, longtemps relégués au rôle d’ornements secondaires, reprennent le devant de la scène. Ils ne complètent plus la silhouette, ils la construisent. Ils ne se cachent plus dans la délicatesse, ils revendiquent leur monumentalité.
Parmi les tendances les plus frappantes, l’irruption des cristaux chez Saint Laurent, Chloé et Givenchy ouvre un chapitre où la joaillerie se fait spirituelle. Suspendus en boucles géantes, façonnés en pendentifs talismans, ces fragments de lumière font plus qu’éblouir : ils protègent. Ils convoquent l’imaginaire du grigri protecteur, objet de croyances et de force, qui entre en synergie avec le corps. Dans un contexte d’incertitudes mondiales, ces pierres deviennent des armures invisibles. Plus que des accessoires, elles sont un langage mystique, un cri lumineux qui invoque à la fois beauté et survie.
Face à ces cristaux étincelants, une autre tendance règne en maître : l’or, massif et sculptural. Chez Schiaparelli, Balmain et Fendi, l’esthétique se fait solennelle. Colliers plastrons dignes de statues antiques, manchettes empilées jusqu’à l’excès, boucles gravées de formes mythologiques : l’or, travaillé en volumes démesurés, enveloppe les corps d’une aura guerrière. C’est un langage d’opulence, une architecture portable, une armure de luxe. Ici, le bijou ne cherche pas la discrétion : il impose son poids, sa présence, son autorité.
Mais le véritable coup d’éclat de la saison, on le doit à Chanel. La maison, fidèle à son patrimoine, choisit de réinventer son code le plus emblématique : la perle. Cependant, à l’inverse du collier discret des bourgeoises du XXe siècle, les perles de l’hiver prochain sont monumentales, insolentes, pop. Des sautoirs oversize descendent en cascade sur des robes en maille, des bottes se parent d’un talon orné d’une perle géante siglée, et un sac-bijou prend la forme d’une bille nacrée. La perle, symbole de classicisme, s’est muée en insigne contemporain. Chanel atteint un équilibre entre héritage et modernité en transformant un code ancien en arme visuelle à l’ère des réseaux sociaux.
À l’opposé du chic codifié, Vaquera pousse l’excès jusqu’au grotesque. Le label, en collaboration avec D’heygere, détourne la fonction même du bijou : les perles descendent jusqu’aux genoux, les ceintures paraissent grossies à l’extrême, un soutien-gorge devient robe. Ici, le bijou monumental n’exprime pas que l’exubérance : il est satire. Il nous pousse à nous interroger sur le bon goût, s’amuse à le renverser. L’accessoire, vidé de son utilité, se fond dans une logique absurde et volontairement provocante.
Derrière cette diversité – aura spirituelle chez Givenchy, dorée chez Schiaparelli, patrimoniale chez Chanel, ironique chez Vaquera –, un même message s’impose : refuser l’effacement. Dans une société saturée d’images, où la discrétion tend à invisibiliser, les bijoux XXL permettent d’occuper l’espace, de capter le regard, de s’imposer dans le champ visuel. Ils sont une réponse aux incertitudes de notre époque : trop d’angoisses, alors on amplifie. Trop d’uniformité, alors on exagère. Trop de silence, alors on clame haut et fort.
Le bijou XXL n’est plus une parure : il est une déclaration. Il dit « je suis là », sans s’excuser d’exister. Il devient talisman, armure, manifeste ou satire. Mais toujours, il reprend son rôle premier : celui de prolonger le corps et d’affirmer une identité. Dans ce nouvel âge d’or de la mode, la parure n’orne plus, elle règne.