Azzedine Alaïa et Thierry Mugler : Une mode à quatre mains

L’histoire de la mode est jalonnée de rencontres, d’affinités créatives et de complicités artistiques qui transcendent le temps et les tendances. Parmi elles, celle d’Azzedine Alaïa et Thierry Mugler résonne comme une véritable évidence. Deux esprits visionnaires, unis par une même obsession : sculpter le corps féminin avec une rigueur et une maîtrise sans pareilles. Une mode à quatre mains, à la fois majestueuse et intimiste, qui prend aujourd’hui vie à la Fondation Azzedine Alaïa, dans un dialogue d’étoffes et de formes qui révèle bien plus qu’une simple collaboration. 

Azzedine Alaïa, Paris 1982 ph. Alice Springs © Helmut Newton Foundation – Thierry Mugler, Monte Carlo 1984 Alice Springs © Helmut Newton Foundation

La maison comme refuge et patrimoine

Azzedine Alaïa n’avait jamais envisagé la mode comme un simple passage. Lui, l’artisan du sur-mesure, savait que chaque pièce portait en elle un fragment de mémoire, un écho du passé projeté vers l’avenir. C’est ainsi qu’en 2007, il décide de donner un cadre pérenne à son héritage en créant l’Association Azzedine Alaïa aux côtés du peintre Christoph von Weyhe et de la galeriste Carla Sozzani, amie et confidente de toujours. Treize ans plus tard, cette initiative se transforme en une véritable institution : la Fondation Azzedine Alaïa, officiellement reconnue d’utilité publique en 2020.

Située au 18, rue de la Verrerie, au cœur du Marais, la Fondation occupe l’ancien atelier du couturier, un ensemble de bâtiments où la mode converse avec l’art, le design et l’architecture. L’espace, baigné de lumière naturelle, s’ouvre sur une cour arborée qui prélude à un voyage au sein de l’univers Alaïa. Une galerie avec verrière, une librairie dédiée aux esthétiques contemporaines et un café rendant hommage à l’hospitalité légendaire du couturier complètent ce sanctuaire de création.

Mais au-delà de sa mission de conservation, la Fondation revendique un rôle actif dans la transmission du savoir et la formation de la nouvelle génération de designers. En collaboration avec des écoles et institutions de mode, elle organise des conférences, attribue des bourses et met sa collection de plus de 35 000 pièces à disposition des chercheurs et créateurs.

Alaïa et Mugler : une amitié sous le signe de la coupe

C’est en 1979 que les trajectoires d’Azzedine Alaïa et de Thierry Mugler se croisent pour la première fois. L’un et l’autre sont fascinés par la structure du vêtement, l’architecture du corps, la puissance d’un tailleur parfaitement ajusté. Pour sa collection automne-hiver 1979-1980, Mugler invite Alaïa à réaliser une série de smokings. Dépassant une pure collaboration technique, cet épisode marque le début d’une amitié profonde, nourrie d’admiration réciproque et de créativité partagée.  

Mugler, showman flamboyant, et Alaïa, perfectionniste du sur-mesure, incarnent deux approches radicalement différentes de la mode, mais partagent une vision commune : sublimer la femme, lui redonner une puissance sculpturale digne des années fastes d’Hollywood. Ils composent une silhouette à quatre mains : épaules graphiques, taille cintrée, courbes exaltées. Alaïa, souvent décrit comme un couturier de l’intime, apporte à Mugler un raffinement supplémentaire, une science du tombé qui adoucit la radicalité de ses créations. Mugler, en retour, pousse Alaïa à embrasser une dimension plus spectaculaire, à affirmer son nom sur la scène internationale.

Cette fraternité stylistique trouve son apogée dans les années 1980, décennie de tous les excès où la mode se fait manifeste. Alaïa et Mugler, chacun à sa manière, réinventent l’allure féminine en puisant dans l’héritage des grands maîtres que sont Balenciaga, Fath ou Dior. Tandis que Mugler orchestre des défilés-théâtres dignes des superproductions hollywoodiennes, Alaïa préfère la rigueur d’une coupe impeccable, l’exaltation du corps par le vêtement.

Thierry Mugler, Azzedine Alaïa, Sidi Bou Saïd, vers 1980

Une exposition comme témoignage d’une mode à quatre mains

Aujourd’hui, la Fondation Azzedine Alaïa rend hommage à cette relation créative unique par une exposition inédite : « Azzedine Alaïa, Thierry Mugler – 1980-1990 : deux décennies de connivences artistiques ». Conçue par Olivier Saillard, cette rétrospective met en regard plus de 200 créations des deux couturiers, révélant les dialogues subtils et les influences mutuelles qui ont marqué leur parcours.

La mise en scène, immersive et rythmée, retrace les moments clés de leur amitié : les premières collaborations, les étés passés en Tunisie, les débats passionnés sur l’art de la coupe. Des croquis, archives et photographies d’Alice Springs et Helmut Newton viennent enrichir ce parcours, témoignant d’une époque où la mode était une aventure humaine autant qu’une déclaration artistique.

En revisitant ces années d’ébullition créative, l’exposition réaffirme l’importance de la transmission dans l’univers de la mode. Alaïa et Mugler ne sont plus là, mais leurs créations, elles, continuent de s’exprimer. De dire la beauté d’une épaule architecturée, l’élégance d’une ligne parfaite. De rappeler que la mode, avant d’être une industrie, est avant tout une affaire d’amour, d’échanges et de complicités invisibles. 

Comme le disait Thierry Mugler : « Nous sommes très influencés l’un par l’autre. » Une vérité que cette exposition, magistrale, rend palpable à chaque regard, à chaque courbe de tissu, à chaque souffle de création partagée.

« Azzedine Alaïa, Thierry Mugler – 1980-1990 : deux décennies de connivences artistiques »
Fondation Azzedine Alaïa
18, rue de la Verrerie, Paris 4e 
Jusqu’au 29 juin 2025

fondationazzedinealaia.org

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