Adolescence : un premier rôle bouleversant pour Owen Coope

En filmant le vertige de l’adolescence en plans-séquences, la nouvelle série de Netflix fait surgir une vérité brute et dérangeante. Porté par Owen Cooper, bouleversant dans son tout premier rôle, Adolescence nous abandonne sans repère, à hauteur d’enfant, au cœur de l’indicible.

Tout commence dans une maison modeste, à la lisière du silence.

Adolescence, mini-série britannique réalisée par Philip Barantini, ne se contente pas de raconter une histoire : elle nous l’impose, en un mouvement unique et continu. Chaque épisode est intégralement tourné en plan-séquence, sans la moindre coupure visible. Une prouesse rare, presque violente pour le spectateur, appelé à suivre les battements irréguliers du drame sans jamais détourner le regard. Comme si grandir, aujourd’hui, relevait moins de l’apprentissage que d’un éboulement intérieur.

L’intrigue tient en quelques mots brutaux : Jamie Miller, treize ans, est arrêté pour le meurtre d’une camarade de classe. Dans ce fracas social et familial, la série nous entraîne non pas dans les couloirs feutrés des commissariats ou les froids tribunaux, mais dans les regards, les silences, les gestes empêchés. Adolescence est moins une enquête qu’une radiographie de l’effondrement.

Owen Cooper, révélation sidérante, incarne ce frémissement tragique.

Encore inconnu il y a quelques mois, le jeune acteur livre ici une performance d’une justesse rare, sans jamais céder à la démonstration ni à l’affect forcé. Son Jamie n’est pas un symbole, encore moins un monstre : c’est un enfant perdu, vibrant d’émotions contraires, suspendu entre innocence et culpabilité. Dans ce premier rôle exigeant, Cooper impressionne par sa capacité à habiter le silence, à faire affleurer sur son visage la panique sourde, l’incompréhension, la détresse – autant de nuances que la caméra, complice et cruelle, capte au plus près.

Il fallait un dispositif radical pour saisir une telle vérité.

Le choix du plan-séquence, loin d’être un artifice esthétique, devient une nécessité organique. Chaque mouvement de caméra épouse le souffle court des personnages, épouse leur peur, leur sidération, leur colère. On pense à 1917 de Sam Mendes ou à Boiling Point, précédent film de Barantini, mais ici l’enjeu est encore plus viscéral : il s’agit de coller au chaos intérieur d’un enfant confronté à l’irréparable.

La famille Miller, pulvérisée par l’accusation, est filmée avec la même tendresse brutale.

La mère (interprétée avec une pudeur bouleversante par Erin Doherty) vacille entre protection aveugle et doute déchirant. Le père, silencieux, fuit dans des gestes maladroits. La caméra n’explique rien, elle expose. Chaque regard détourné, chaque porte qui claque, chaque main qui tremble devient un chapitre muet de cette tragédie ordinaire. À travers eux, c’est tout un monde – celui des foyers précaires, des jeunes livrés à eux-mêmes, des amitiés toxiques nouées en ligne – qui prend corps sous nos yeux.

Mais Adolescence va plus loin qu’un simple fait divers.

La série interroge sans asséner. Elle montre comment l’ultraviolence, loin d’être surgie de nulle part, naît souvent d’une chaîne d’abandons minuscules, d’incompréhensions, d’isolements. Elle esquisse, sans jamais l’imposer, une réflexion douloureuse sur les fractures invisibles de notre société connectée : l’influence délétère des réseaux sociaux, la banalisation de la violence, l’absence de repères, la solitude accrue d’une jeunesse bombardée d’images et d’injonctions.

Adolescence ne cherche pas de coupables.

Ni apologie, ni réquisitoire : le regard porté est d’une sobriété implacable. La violence surgit comme une conséquence, non comme une aberration. Dans cet équilibre fragile entre empathie et lucidité, la série évite tous les pièges du pathos ou du sensationnalisme. Elle regarde, tout simplement – et nous force à regarder aussi.

En refermant Adolescence, quelque chose reste suspendu.

Un goût de métal dans la bouche, une tension sous la peau. L’impression d’avoir traversé, sans filet, l’instant précis où tout bascule. Et la certitude troublante que cet “instant” n’appartient pas qu’à la fiction.

À découvrir dès maintenant sur Netflix, Adolescence se déploie en quatre épisodes d’une intensité rare.

https://www.netflix.com/fr

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