Les mille et une vies de la villa Poiret 

Petit bijou d’architecture moderne, la villa Poiret est en quête d’un nouveau propriétaire pour 4 millions d’euros. Une bonne excuse pour se plonger dans l’histoire de cette bâtisse, passée de main en main depuis plus d’un siècle.

« C’est vraiment un objet étrange par ses dimensions. Il y a quelque chose d’assez spectaculaire, qui renvoie effectivement au faste de la grande architecture française, à l’idée d’un grand paquebot moderniste, liée au triomphe de la modernité et de l’ère industrielle. » Aurélien Vernant, directeur d’Architecture de Collection, agence chargée de la vente, n’a pas de mots assez forts pour décrire cet édifice qui domine la vallée de la Seine. Il faut dire que si l’on s’en tient aux chiffres, la bâtisse a tout pour impressionner : 800 mètres carrés dans la villa principale, 1 000 mètres carrés de terrasses panoramiques, et plus de 50 000 mètres carrés de terrain. Un véritable château moderniste, qui cherche son prochain propriétaire pour 4 millions d’euros. Un propriétaire qui viendra s’inscrire dans l’histoire déjà trépidante de la villa Poiret, comme le monde de l’architecture et du design en raffole.

Tout commence au début des années 1920. Paul Poiret, grand couturier de son époque, s’offre 8 hectares à Mézy-sur-Seine pour ses vieux jours. L’homme hésite entre plusieurs personnalités pour édifier son futur nid. Louis Süe, grand ensemblier du début du siècle, est d’abord pressenti. Puis c’est au tour d’Auguste Perret, magicien du béton armé, d’entrer en lice. C’est finalement Robert Mallet-Stevens, à qui l’on doit la villa Noailles et la villa Cavrois, qui sera l’heureux élu. Les travaux sont lancés. Mais, malheur, Paul Poiret fait faillite en 1926. Devant s’installer dans la maison du gardien, il se défait de la bâtisse inachevée en 1930. Achetée par l’actrice Elvire Popesco, la villa est à nouveau en construction, sous l’égide de Mallet-Stevens, puis de Paul Boyer. Les travaux prennent fin en 1938. 

Il faudra attendre les années 1970 pour que les péripéties reprennent à Mézy-sur-Seine. En ce début de décennie, la villa voit une section de son parc vendue pour y construire des lotissements. Quatorze ans plus tard, elle est enfin inscrite au titre des Monuments historiques. Mais cela n’augure en rien une vie paisible pour notre villa moderniste. Et pour cause : rachetée en 1988, elle est sur le point de cohabiter avec cinq autres villas, inspirées par sa silhouette, et imaginées par Claude Parent, grand maître de l’architecture oblique. Le projet fait long feu. La villa Poiret est à nouveau vendue.

Le nouveau propriétaire, l’homme d’affaires Sidney Nata, n’est pas à court d’idées. Dès 1991, il lance, toujours avec Claude Parent, « La confrontation de Mézy ». Il propose à 17 architectes d’imaginer un lotissement modèle. La liste des invités en question est constituée par les plus grands architectes d’alors : Tadao Ando, Ricardo Bofill, Jean Nouvel, Norman Foster, Alvaro Siza, Frank Gehry ou encore Renzo Piano. Mais encore une fois, faute de moyens, l’aventure échoue. Cinq ans plus tard, Nata décède. La Villa Poiret est encore une fois mise en vente. 

D’abord acquise en 1999 par un amateur d’art contemporain et industriel, elle devient la propriété d’un promoteur en 2006. Celui-ci s’offre les services de Jean-Michel Wilmotte, afin d’aménager les sous-sols, notamment avec une piscine intérieure. « Le projet n’a pas vraiment abouti, la piscine n’a jamais été mise en eau. Cela fait partie de l’histoire du lieu, comme si les choses n’allaient jamais jusqu’au bout. Il faut le voir comme un projet de longue haleine », souligne Aurélien Vernant, « et c’est cela qui excite l’imaginaire ». 

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