Récemment vu dans Dear You, sur Prime Video, et dans Un ours dans le Jura, Louka Meliava est une personnalité intrigante du cinéma français. Basketteur à ses heures, le Parisien, né en 1992, est autre chose qu’une belle gueule. Acumen a rencontré la future star.
François Berthier : raconte-nous tes débuts.
Louka Meliava : J’ai commencé le théâtre à 15 ans, à cette période charnière où, en entrant en première, on te demande si tu es plutôt littéraire ou scientifique. Moi, je n’en avais aucune idée. Je ne savais pas qui j’étais, ni ce que je voulais. J’avais l’impression de vouloir tout essayer, sans me laisser enfermer dans une case. Et puis, j’ai pris mon premier cours de théâtre… Un vrai coup de foudre. En rentrant chez moi, j’ai dit à ma mère : « C’est bon, je sais ce que je veux faire ». Elle m’a répondu : « Merde, putain, j’en étais sûre… Passe ton bac d’abord, on verra après ». Mais je crois qu’au fond, elle le sentait déjà, avec mon caractère et tout ça. Le théâtre m’a permis de mettre des mots sur ce que je voulais. Parce qu’au final, je voulais tout faire : flic, voleur… Et voilà, c’est comme ça que tout a commencé.
Donc maintenant, tu peux être flic et voleur, c’est ça qui est bien ?
Exactement ! J’ai déjà joué un voyou, un tueur… Dans Un ours dans le Jura, j’étais un criminel, et dans Alphonse de Nicolas Bedos, j’interprétais une espèce de caïd et c’était assez cool à faire.
Comment tu prépares ce genre de rôles ?
Il y a beaucoup de transformations physiques, souvent liées aux cheveux. Dans Alphonse, par exemple, j’étais rasé à blanc, ce qui me donnait un air plus dur, plus véner. Et puis, j’essaie d’exploiter la colère que j’ai en moi. Normalement, je suis quelqu’un de plutôt calme, mais je crois que j’ai quelque chose au fond qui remue. J’essaie d’exprimer cette part de moi, ce côté un peu véner que je peux avoir de temps en temps.
Comment tu travailles avec les réalisateurs ? Quelles méthodes préfères-tu ?
J’aime bosser avec des réalisateurs qui sont dans la communication et le présent, qui restent ouverts aux propositions des acteurs et ne sont pas figés sur leur vision. Un réalisateur qui a confiance en moi, ça me met à l’aise. Au contraire, si je sens qu’il doute, ça me bloque.
Quand un réalisateur me dit : « Putain, c’est super, continue dans cette direction », ça me motive. Je crois que c’est ça, la relation entre un comédien et un réalisateur : le comédien a besoin de se sentir désiré, à sa place.
Tu dirais que les comédiens sont des névrosés ?
Un petit peu, oui. On a tous des choses à travailler sur nous, et le théâtre permet ça. C’est une thérapie gratuite ! Le théâtre m’a appris à mettre des mots sur mes émotions. Avant, j’avais du mal à exprimer ce que je ressentais. Quand j’étais amoureux, c’était dans l’excès, quand j’étais triste, ça se traduisait par de la colère. Jouer des textes d’auteurs français, anglais… ça m’a aidé à mieux me comprendre.
Comme quand tu écoutes une chanson qui te brise le cœur après une rupture…
Exactement ! Je me souviens d’une pièce où il y avait une rupture sur scène. J’étais moi-même en plein chagrin d’amour à ce moment-là, et ça m’a complètement retourné. J’ai dû sortir en plein spectacle et marcher des heures pour m’en remettre.
Tu dirais que tu es un acteur écorché ?
Je crois que oui… Même si j’essaie de travailler là-dessus, c’est en moi.
Est-ce que dans ta relation avec les réalisateurs, ils perçoivent rapidement qui tu es vraiment ?
Oui, en tout cas, ceux avec qui je me suis le mieux entendu ont compris quel genre de personne et de comédien j’étais.
Et du coup, est-ce qu’ils adaptent leur façon de travailler en fonction de cela ? Est-ce que c’est quelque chose que tu recherches ?
Oui, clairement. Je n’ai jamais été aussi en confiance qu’avec des réalisateurs qui me comprenaient, qui me laissaient la place d’être vraiment moi, et pas seulement ce que je peux dégager physiquement ou en surface. J’apprécie quand ils prennent le temps de creuser un peu plus profondément. Je ne suis pas quelqu’un qui se dévoile tout de suite. On ne peut pas savoir qui je suis en dix minutes. J’ai besoin de temps, de confiance, et d’une connexion humaine.
Est-ce que la façon dont certains réalisateurs te perçoivent peut être une source de frustration sur le plan professionnel ?
Oui, tout à fait. Il m’est arrivé de travailler avec des gens qui ne voyaient que l’aspect superficiel, et cela me mettait dans [une position] inconfortable. Ce qui est essentiel pour moi, c’est la confiance, la liberté que le metteur en scène ou le réalisateur me laisse pour explorer et proposer.
Qu’attendent-ils de toi, justement ?
Les bons réalisateurs cherchent à comprendre pourquoi je fais ce que je fais. Ils savent que je fais aussi beaucoup de théâtre, que je ne me limite pas au cinéma. Ils posent les bonnes questions et s’intéressent à ma personnalité. En revanche, les moins bons restent en surface, et je ressens la différence très rapidement.
Professionnellement, qu’est-ce que tu recherches pour les années à venir ?
Une vraie liberté de choix.
Cela s’accompagne souvent de la célébrité. Est-ce que c’est quelque chose qui t’attire ?
La célébrité en soi ne m’intéresse pas, mais elle est souvent une forme de reconnaissance pour le travail accompli. Elle permet aussi d’avoir plus de liberté dans les choix artistiques. Mais je suis conscient qu’elle peut aussi amener des relations superficielles. Mon objectif est de garder le cap et de ne pas me transformer pour correspondre à une attente extérieure. Je ne suis pas prêt à vendre mon âme pour ça.
Si tu devais choisir entre des projets plus intimistes et des projets plus lucratifs qui offrent une plus grande liberté de choix, que ferais-tu ?
La célébrité ne me dérange pas si elle me permet de choisir mes projets librement. Ce que je veux, c’est arrêter de vivre dans l’incertitude permanente. À 20 ans, c’était excitant, à 25 ans, cela m’amusait encore, mais aujourd’hui, je veux pouvoir vivre pleinement de ma passion et avoir le luxe de dire non à un projet qui ne me parle pas. Récemment, on m’a proposé un rôle dans Un ours dans le Jura avec une offre ferme. C’était la première fois que j’avais un choix réel et j’ai ressenti ça comme une de mes plus belles victoires récentes.
Donc là tu as cinq projets qui arrivent. Tu peux nous en parler dans l’ordre ?
Bien sûr ! D’abord, Un ours dans le Jura, qui est déjà sorti en janvier. C’est un film de Franck Dubosc, un thriller comédie noire vraiment bien fait, avec Laure Calamy, Benoît Poelvoorde, Dubosc et d’autres. Ensuite, il y a une série réalisée par Julien Carpentier. C’était magnifique de travailler avec lui. Tu sens quand tu es aligné. C’est un tel bonheur de travailler dans ces conditions, vraiment. À la base, c’est une new romance, mais Julien a su y apporter une vraie profondeur. Ce genre est souvent perçu comme superficiel, mais il a réussi à lui donner une touche plus « cinéma français », plus travaillée. Et c’est là que ça devient intéressant, parce qu’à la base, ce n’est pas du tout mon style. J’ai vu que les critiques étaient agréablement surpris. Certains comparent ça à Emily in Paris, mais en creusant, on découvre qu’il y a bien plus de contenu. Mon personnage, par exemple, est plein de névroses, avec de vrais enjeux à jouer. Ce n’est pas un personnage juste décoratif, il a une vraie raison d’être dans l’histoire, et ça, c’est passionnant. Il y a aussi un film dans lequel j’ai un tout petit rôle, Oxana. C’est un projet incroyable sur les premières Femen. Je pense que ça va marquer les esprits, d’autant plus que le sujet est totalement d’actualité. C’est important d’en parler, surtout en ce moment. Et pour moi, c’est essentiel de participer à un film comme celui-là.
D’ailleurs, je disais récemment que j’avais envie de m’engager dans des projets plus révolutionnaires, qui éveillent les consciences. Pour moi, le cinéma et le théâtre ont toujours eu ce rôle. Depuis la nuit des temps, on raconte des histoires pour faire réfléchir et montrer une certaine direction. C’est ce qui me motive aussi aujourd’hui.
Dans Qui sème le vent, j’interprète un personnage un peu camé, qui croise la route du protagoniste principal. La série est assez particulière, elle traite d’une enquête… pas paranormale, mais presque. C’est une quête existentielle où le personnage principal cherche à comprendre d’où il vient, avec son lot de mystères et de galères. Tout démarre avec un meurtre dès le premier épisode, et ensuite, tout s’enchaîne. J’ai eu la chance d’y croiser Isabelle Adjani, même si ce n’était que quelques secondes. Mais c’était un moment fort. J’ai un petit rôle. Mais comme je le dis toujours : il n’y a pas de petits rôles, seulement de petits acteurs. Tant que le rôle est bien fait, il a toute son importance.
Et voilà, je crois que ça fait bien cinq projets ! J’espère que je ne me suis pas trompé. (Rires) Là, c’est vrai que ça s’enchaîne !
Parlons un peu de Cannes. Qu’est-ce que ça représente pour toi ? On fait un numéro spécial, alors c’est l’occasion d’en parler.
Ok, Cannes… Eh bien, je n’y ai jamais été. Est-ce que c’est un objectif ? Oui et non. Ce n’est pas mon but premier, mais c’est sûr que c’est une reconnaissance du travail, de ton travail. Être reconnu par ses pairs, c’est forcément gratifiant. Moi, ce que je veux avant tout, c’est travailler. Si Cannes me permet de lire des histoires, de m’intégrer dans des projets qui me passionnent, alors oui, j’y vais avec grand plaisir. Mais si c’est juste pour me montrer… Non, ce n’est pas ce qui m’attire. Après, bien sûr, si un jour j’ai la chance d’avoir un film sélectionné, qui me permet d’atteindre ce à quoi je rêve depuis gamin, alors là… merci !