Cette nouvelle adresse du 11e arrondissement parisien a agité les soirées estivales de la capitale. Alors que les beaux jours ont clairement déserté Paris, Acumen a rencontré les chefs d’orchestre à la tête de ce bar-restaurant, véritable cri d’amour aux bars et PMU hexagonaux.

Bertrand Chauveau, cofondateur et chef cuisinier du Cornichon, se rappelle : « On ne voulait absolument pas passer pour les deux petits jeunes de service qui créent un énième concept» Aujourd’hui, l’ancien élève de l’école hôtelière Ferrandi se dit assez satisfait : « Le pari est plutôt réussi parce que les trois-quarts des gens qui entrent dans notre bar pensent qu’il a toujours existé. » Et pour cause, cette nouvelle table parisienne qui a une allure de bar de quartier bien dans son jus est un nouveau-né de quelques mois.

Retour en arrière. À la sortie de la Covid, deux amis d’enfance, Bertrand Chauveau et Paul Henri se disent qu’il est temps de mettre en œuvre leur « rêve de gosse ». « Moi, je travaillais dans la gastronomie depuis le début, mais ça n’était pas ce que je voulais faire. Nous voulions quelque chose qui nous corresponde plus. Or, nous avons toujours été passionnés par les rades, les bars-tabacs. » En quête du lieu de leurs rêves (où ils souhaitaient vraiment proposer du tabac, mais ils se sont contentés d’un corner la Française des jeux), les deux comparses déchantent quelque peu en trouvant dans le 11e arrondissement un ancien bar-restaurant qui n’a rien à voir avec les images d’Épinal de l’INA.

Laure Gravier et Soizic Fougeront de l’agence d’architecture d’intérieur Claves se souviennent : « Les garçons étaient assez déconcertés, parce que ce lieu n’avait aucun charme. Au sol, il y avait un parquet, aux murs et au plafond, une peinture bleue assez médiocre, et sur le bar, des espèces de céramiques modernes ; bref, rien n’allait, et il n’y avait rien d’intéressant à garder. Ils avaient peur, car ils étaient soucieux de donner une âme à ce lieu» Les deux architectes d’intérieur, passées chez Pierre Yovanovitch, avaient donc tout à revoir : « Ce que nous ne souhaitions pas, c’était un lieu trop marqué par une époque particulière. Ce que l’on aime bien dans les bars-tabacs comme Janette ou l’Étincelle, c’est qu’ils ont été bricolés des années 1930 à aujourd’hui, et qu’on y retrouve pleins de codes, issus de plein d’époques différentes. Ce mélange donne lieu à un vrai style reconnaissable. »

Côté mobilier, les deux architectes d’intérieur avaient également un impératif : « Nous souhaitions que ce bar ait l’air ancien, sans avoir une allure de brocante. On a beaucoup cherché, mais impossible de trouver un lot de 96 chaises en skaï et chrome, c’est pourquoi nous avons dessiné des chaises sur mesure, tout comme les tables et les banquettes. » Autre élément fort du lieu, cette frise rouge et blanche qui vient cercler l’établissement : « Elle reprend un motif de volute de fumée qui danse tout le long de la pièce. Elle est importante car elle assoit le lieu. » Une coquetterie qui fait écho au plafond en laque et à cette courbe en néon. Une mosaïque vient habiller le sol, tandis qu’un bar, inspiré par « tous ces bars parisiens en formica », se pare de stratifié à effet travertin, bois ou laque. « Nous avons dessiné l’espace de manière très structurée, avec une vraie rigueur architecturale. On vient contrebalancer celle-ci avec de la courbe que l’on trouve dans le dossier des banquettes ou encore au plafond, avec le néon. » Un jeu subtil de contrastes afin de « donner à l’œil une impression de justesse ».

Mais revenons à table. Le menu se structure à travers deux propositions. D’abord, l’offre du semainier : « Le plat du jour change tous les jours, mais sera le même chaque semaine », explique Bertrand. Ainsi, tous les vendredis de l’été, Le Cornichon nous a réjoui avec son poisson pané et sa salade de chou blanc, et un financier à la fleur d’oranger au dessert. « C’est une offre très abordable avec un menu à 22 euros. Je prends vraiment plaisir à avoir des intitulés qui sont ultra terre à terre, vraiment comme à la cantine, avec “tomates farcies riz pilaf” et point. » Sans fausse modestie, celui qui est passé par le Grand Restaurant de Jean-François Piège puis chez David Toutain, avant de diriger les cuisines du Garance dans le 7e arrondissement, annonce sans détour : « On ne réinvente pas la tomate farcie, mais on la fait extrêmement bien. » Il explique,le sourire dans la voix : « Le but du jeu, le credo de l’établissement, c’est de bien faire les choses les plus simples, qui sont souvent les choses les plus compliquées. Avec ma cheffe exécutive, Hélène Rinck, qui était avec moi à Ferrandi, nous avons les mêmes bagages, et nous adorons faire ces plats classiques en les faisant de manière parfaite. »

Enfin, pour ce qui est de la carte, le chef la présente comme un jeu avec la cuisine traditionnelle et bourgeoise, à travers des plats comme la soupe au pistou ou un tournedos Rossini. Des menus d’été qui laissent leur place à une potée de choux et saucisse fumée réconfortante, une soupe de vermicelles, ou une assiette raclette pour le soir, suivie par une très régressive crème glacée banana split.

Le Cornichon 2, rue des Goncourt, Paris 11e

lecornichon.paris

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