En 2025, le design d’intérieur prend un tournant expressif. Chrome, perles, métal forgé, teintes cigare et inspirations néo Art déco s’entrelacent pour composer un décor audacieux, texturé et narratif. L’intérieur se fait manifeste. Plus qu’un espace à vivre, il devient un territoire à ressentir.

On le disait relégué aux salles de bains froides ou aux fantômes du Bauhaus ; pourtant, le chrome revient et s’impose. Radical. Brillant. Rétro-futuriste. Sa silhouette industrielle réchauffe les lignes des canapés tubulaires, souligne les courbes d’un luminaire comme chez Gubi, s’installe en majesté sur les pieds de table.
Dans le sillage des icônes du Space Age, les designers d’aujourd’hui – de Sabine Marcelis à Marta Chrapka – réinvestissent le chrome. Il ne s’agit plus d’un simple matériau, mais d’un symbole : celui d’un design qui assume son éclat et joue du reflet comme on joue de la rumeur. Même le salon Maison&Objet en janvier l’a confirmé : la brillance n’est plus un ornement, elle est une nécessité.
Studio Frederik Fialin
Les couleurs de 2025 ne chuchotent plus, elles vibrent. À commencer par ce trio magnétique : cognac, cigare, léopard. Trois nuances pour un même désir d’animalité, de chaleur, d’opulence presque primitive. Les intérieurs ne veulent plus se fondre dans le beige universel, ils préfèrent s’embraser.
Le brun profond des cigares infuse les murs et le velours des canapés. Le cognac, avec ses reflets ambrés, rappelle les salons masculins à l’anglaise, tout en s’adaptant à des formes plus douces et féminines. Quant au léopard, il n’est plus un motif clinquant mais un accent graphique, déposé sur un tapis, le contour d’un coussin ou le revers d’un fauteuil. Il évoque une nouvelle forme de glamour, indisciplinée mais cultivée.
Tapis Gild 03 Leopard de Nordic knots
Qui aurait parié sur le retour des perles en décoration ? Elles étaient jusque-là l’apanage de la joaillerie, de la parure intime. Et pourtant, dans ce monde où le toucher compte autant que la vision, les perles s’imposent comme texture de narration.
Dans les suspensions de designers comme Sophie Lou Jacobsen ou façon bijou sur les poignées de meubles, elles transforment le banal en précieux. C’est une forme de design sensible, qui use du détail pour provoquer l’émotion. Leur présence rappelle l’art décoratif à la française, un luxe discret mais inoubliable. Dans un panier en osier ou une lampe sphérique, la perle devient clin d’œil à l’enfance et provocation décorative.
Panière par Ananas Ananas
Loin des lignes lisses produites à la chaîne, le mobilier forgé renaît avec fierté. Il évoque le feu, la main de l’artisan, la rugosité du matériau travaillé. Tables martelées, chaises aux pieds torsadés, luminaires en arabesques métalliques : chaque pièce porte la trace du geste.
C’est le retour du mobilier-sculpture, de l’objet qui vit par sa structure. Dans l’esprit wabi-sabi, mais avec une élégance plus dramatique. Ce design-là parle d’ancrage, de transmission, d’une beauté moins polie mais infiniment plus intense.
Lampe SOLSTICE par Léa Zeroil pour Modern Métier
Impossible de ne pas noter l’omniprésence d’un Art déco revisité. Son retour n’est pas nostalgique : il est politique. En 2025, on affirme le luxe géométrique, la structure, la verticalité. Les arches se multiplient, les dorures se maîtrisent, les formes s’arrondissent sans jamais s’effondrer.
Le marbre est à nouveau roi, mais adouci par du bois blond ou du laiton sablé. Les miroirs prennent des formes losangées, les luminaires adoptent des airs de bijoux suspendus. On pense à Pierre Chareau, à Jean-Michel Frank, mais aussi aux créateurs d’aujourd’hui comme Garcé & Dimofski ou Humbert & Poyet, qui fusionnent l’Art déco avec des codes contemporains.
Jura Collection, Ah Um Design Studio
Paradoxalement, l’autre tendance majeure de 2025 est celle d’un retour au rustique, mais un rustique réinterprété, purifié, délicat. Fini les poutres massives et les carrelages datés : le new rustic est une esthétique d’équilibre. Du bois brut côtoie la porcelaine la plus fine,des murs chaulés accueillent des œuvres d’art brut. C’est la maison de campagne rêvée d’un intellectuel moderne.
Ce style, très prisé chez les créateurs scandinaves ou dans les intérieurs japonais, célèbre le lien à la nature, sans basculer dans le folklore. Il parle de lenteur, de matières nobles, d’espaces aérés. On y ressent un apaisement, une envie d’enracinement pour échapper à un monde qui va trop vite.
Projet Valley Estate par Pierce & Ward à Los Angeles
Ce que révèle 2025, c’est un basculement : l’intérieur n’est plus un décor neutre pour corps stressés, mais un prolongement de l’âme. Il n’a pas peur d’en faire trop, de raconter une histoire, de se faire remarquer. Il est chromé, perlé, forgé, « léopardisé », mais jamais anecdotique. Il assume les contradictions – entre nature et métal, ornement et sobriété – pour composer un nouvel art de vivre, à la fois innovant et habité.