L’artiste anglaise travaille la pâte de porcelaine pour lui donner un aspect organique en mouvement, construisant et déconstruisant les formes abstraites qui animent ses surfaces.

Rien ne prédestinait Olivia Walker à travailler la porcelaine, qu’elle a découverte après son diplôme en histoire et littérature anglaise, pendant un emploi d’été dans une galerie d’artisanat de sa région du Devon. Prenant plaisir à manipuler les céramiques et à en parler, elle s’est rapidement intéressée à leur fabrication au point de vouloir en faire son métier. Quinze ans plus tard, dans son studio du Dartmoor National Park, son style s’épanouit sur ses pièces de forme et ses panneaux muraux, où des écailles semblent naître de la matière comme une mousse s’enracine sur une roche. « J’utilise principalement la porcelaine de Limoges, pour sa douceur et ses qualités une fois vitrifiée. J’adore son toucher, lisse comme de la crème double sous forme de barbotine et très agréable à tourner, et j’aime la possibilité de la poncer pour obtenir une surface cuite lisse comme un galet, et de la colorer pour créer des tons très purs », explique l’artiste. Elle apprécie particulièrement ce dernier processus, réalisant fréquemment des tests de couleur en intégrant des pigments et des oxydes dans la pâte de porcelaine, et se délectant d’en découvrir les résultats, parfois inattendus, à la sortie du four.
Inspirée par la nature environnante, la céramiste a l’habitude de travailler de manière intuitive : elle laisse la matière se développer et prendre sa place par elle-même quand elle la façonne au tour, avant d’y intégrer ses tesselles de porcelaine, irradiant comme des lamelles de champignon ou alignées comme des strates de schiste. Sur la paroi de ses récipients, parfaitement polis et symétriques, elle crée un accident, ôtant une partie de la matière pour la reconstituer partiellement à l’aide de ses tesselles, comblant l’anfractuosité avec une anarchie savamment construite, semblable à celle d’un organisme vivant. Dans sa série métaphoriquement baptisée Nests (nids), les formes pures disparaissent entièrement sous les fragiles écailles, répétitivement blotties les unes contre les autres et tirant leur force de leur ronde protectrice.

Selon le même principe que les récipients, les panneaux muraux sont grignotés par la végétation envahissante des lamelles de porcelaine. Le contraste est saisissant entre la sobriété de leur géométrie et la douce planéité de leur surface de tadelakt – un enduit à la chaux dont la couleur s’harmonise avec celle de la porcelaine –, et le mouvement faussement anarchique des tesselles, se déployant en volume dans différentes directions. À la fragilité de ces délicats fragments s’oppose la monumentalité de l’ensemble. Si de petites pièces peuvent être achevées en un ou deux jours, l’exécution de tels panneaux, pouvant mesurer jusqu’à près de deux mètres et nécessitant plusieurs dizaines de milliers de tesselles façonnées à la main et positionnées une à une, peut prendre plusieurs mois à l’équipe du studio. « Je pense que le temps passé sur les pièces fait partie de leur force, et j’espère que ceux qui les regardent ont conscience qu’il s’agit d’objets d’amour, qui ont été réfléchis, et portent le temps profondément ancré en eux », confie Olivia Walker.
Fabriqués sur mesure et conçus pour jouer avec les ombres, les panneaux muraux se déclinent de multiples manières : individuels ou déployant un flot de porcelaine sur plusieurs panneaux entrant en connexion, ils trônent au centre d’un mur ou surprennent le regard dans un angle. À leur foisonnement métaphorique de vie organique répondent d’autres tableaux où les écailles de porcelaine se structurent en ramifications. En se déployant en relief sur le fond de tadelakt, elles évoquent la manière dont les branches des plantes se divisent à mesure de leur croissance. Conservant ce principe, Olivia Walker a récemment conçu un diptyque pour la maison de champagne Lallier, transposant la notion de « nature en mouvement » dans ses rameaux bourgeonnants de rose, évocation d’un terroir et d’un savoir-faire. Dans le même esprit, elle a également imaginé une série de petits bols de porcelaine hérissés d’écailles.
Parmi les prochains défis de l’artiste figure sa première œuvre murale de couleur noire, à destination d’une terre volcanique, l’Islande. Grâce à une technique de cuisson réduite en oxygène, elle s’apprête également à explorer une gamme de couleurs et d’effets différents sur certains grès, qu’elle travaille parallèlement à la porcelaine. Ses nouvelles pièces en préparation seront présentées lors de sa première exposition personnelle, en Corée du Sud, au printemps 2026.
Première exposition personnelle à la Gallery LVS
B1F Jasmi Building, 33 Dosan-daero 27-gil, Gangnam-gu, Séoul (Corée du Sud)
Printemps 2026


Rachel Hoile









