Residência AEA, le paysage comme matière vivante

À Angra dos Reis, la nature impose son rythme. 

La forêt atlantique descend jusqu’à l’océan, épaisse, charnelle, saturée de feuillage et d’humidité. C’est là que s’installe Residência AEA. Pas une maison au sens classique, mais une respiration, une extension du paysage. Une réalisation de Jacobsen Arquitetura, douce, presque avalée par la composition végétale de Rodrigo Oliveira.

Le terrain est vaste – près de 7 000 mètres carrés –, mais surtout indompté. Roches ancestrales, arbres anciens, végétation foisonnante : ici, les matières premières sont le minéral et le végétal. Le propriétaire le savait. Sa première maison, construite des années plus tôt sur la colline, dominait la mer. Mais l’envie s’est déplacée, comme un appel. Descendre. Toucher l’eau. Habiter plus près du battement de l’océan.

Jacobsen a choisi la discrétion. La maison est légèrement surélevée, posée sur le terrain aux délimitations tout en courbes. Des guaimbês rampants viennent effacer les murs, comme si l’architecture n’était qu’un prolongement du sol. On ne la regarde pas : on la devine, on la traverse.

Rodrigo Oliveira a harmonisé le reste. Paysagiste depuis plus de trente ans, cet ingénieur agronome formé à Viçosa, spécialisé en arboriculture en Floride, a signé des centaines de projets au Brésil et ailleurs. Son style est marqué par la luxuriance tropicale, mais aussi par des influences multiples : asymétries japonaises, rigueur italienne. Reconnu parmi les dix paysagistes majeurs du pays, aux côtés de Roberto Burle Marx, il a reçu le prix Master Imobiliário en 2020 et le Prix Casa e Jardim en 2019.

Il ne dessine pas des jardins : il compose des scènes vivantes. Ici, il choisit le naturalisme. Plutôt que d’imposer un ordre, il laisse la végétation s’exprimer, mêlant espèces natives et plantations nouvelles. Le résultat ? Un jardin qui semble ne jamais avoir été conçu. Un jardin qui a toujours été là.

Deux atmosphères. Deux écritures. D’un côté, au pied de la montagne, une densité sombre, humide, presque secrète. De l’autre, une clairière ouverte vers la mer, baignée de lumière, espace de rencontre et de contemplation. Le visiteur passe de l’un à l’autre avec la sensation de changer de peau.

Rodrigo aime parler des « cinq I » : inexplicable, imparfait, intuitif, intrigant, imprévisible. Des principes empruntés au Japon, mais qui trouvent ici une résonance brésilienne. Rien n’est symétrique, rien n’est figé. Tout est mouvement, surprise, pulsation.

L’arrivée en elle-même participe déjà à l’immersion. Par la mer, on accoste à un ponton de bois qui s’avance sur les eaux calmes. Par la terre, une route serpente, descend, puis remonte jusqu’au sommet. De là, un chemin se dessine, bordé de palmiers, de marantas, de philodendrons. Le sol respire, la lumière filtre, l’air se charge d’odeurs de verdure.

La piscine n’est pas rectangle, mais arbore des contours courbes. Elle épouse les limites du terrain, se fait miroir entre la maison et la forêt. Au bord, une grande frondaison étend son ombre sur un salon extérieur. Ici, on ne sait plus si l’on est dedans ou dehors. On vit entre les deux.

Residência AEA devient alors marque d’intention. Non pas un luxe ostentatoire, mais une évidence. Le luxe d’habiter en continuité avec la nature, de laisser la maison s’effacer derrière le bruissement des feuilles, l’odeur de la terre humide, le rythme des marées.

Ici, le paysage n’est pas décor. Il est matière. Il est sujet. Et Rodrigo Oliveira, avec sa main discrète et son regard patient, rappelle que le plus beau des gestes est parfois celui de s’effacer.

Jacobsen Arquitetura

Des experiences et une culture qui nous définissent

Ne ratez aucun article

Inscrivez-vous à notre newsletter