Dans le calme solennel des matières, Erez Nevi Pana forge un langage singulier, fait de lenteur et de poésie minérale. Designer israélien formé à Jérusalem, Eindhoven et Milan, il ne se laisse enfermer dans aucune case. Ni simplement artiste ni uniquement designer, il est alchimiste des formes, chercheur des profondeurs, artisan d’un temps ralenti où chaque grain de matière raconte une histoire.
Le sel est devenu le cœur battant de son travail. Ce matériau ancestral, chargé de mémoire, d’usages et de symboles, éclaire l’œuvre d’Erez Nevi Pana d’une lumière fragile et puissante. Dans ses projets, le sel n’est pas seulement un élément décoratif : il est la matière qui façonne et métamorphose les formes, la peau vivante des objets et des architectures.


Son projet emblématique, Salts, incarne cette quête. Le créateur immerge des structures métalliques ou faites de fibres végétales dans des bassins saturés de sel. Là, le temps joue son rôle d’artiste invisible : la cristallisation lente recouvre, transforme, sublime. Peu à peu, la matière s’enveloppe d’une blancheur cristalline, fragile et sacrée, comme un épiderme qui révèle un monde secret. Ces sculptures à la frontière de l’architecture et de la relique semblent porter la trace d’un futur post-apocalyptique, ou d’un passé englouti. Elles sont la manifestation visible d’un dialogue entre la nature et l’homme, entre l’éphémère et la permanence.
Dans le domaine architectural, cette approche singulière se traduit par des installations où le sel devient une peau, un paysage, un élément structurant. Ces œuvres invitent à une expérience sensorielle et méditative, un ralentissement nécessaire. Elles changent la perception de l’espace, où la blancheur minérale impose une présence à la fois apaisante et forte, empreinte d’une douceur fragile.
Le projet Everything, autre volet essentiel de son travail, pousse plus loin cette radicalité. Erez Nevi Pana explore un design vegan, pur, débarrassé de toute matière d’origine animale, avec une attention extrême portée à la toxicité des matériaux. Cette série d’objets blancs, épurés, presque spectraux, est une déclaration d’intention : nettoyer le design de ses compromissions industrielles, ouvrir une voie éthique et esthétique nouvelle.


À travers le monde, cette vision singulière a trouvé écho et reconnaissance. Ses œuvres ont été exposées notamment à la Biennale d’Art Contemporain de Venise, au Museum of Art and Design de New York, au Triennale Design Museum de Milan, ainsi qu’au Centre d’Art Contemporain de Tel Aviv. Ces présentations internationales ne sont pas de simples vitrines : elles prolongent son invitation à ralentir, à entrer en contact avec le temps de la matière. Chaque exposition met en scène ses cristaux dans des contextes divers, multipliant les dialogues possibles entre culture, mémoire et nature.
Au-delà du matériau, son œuvre est une réflexion sur le soin et la réparation. Dans un monde où tout va vite, où le jetable domine, il propose une esthétique de la patience, de l’imperfection choisie, proche du wabi-sabi japonais, mais ancrée dans une Méditerranée minérale. Ses œuvres, qu’elles soient de petits objets ou des installations architecturales, ressemblent à des autels, des sanctuaires fragiles qui invitent à la contemplation, à l’écoute, à la mémoire.
Erez Nevi Pana est ainsi un pionnier du design compassionnel, mêlant éthique et poésie, science et mystique, dans une démarche où chaque cristal de sel est une prière silencieuse, un geste de soin porté au monde.









