Yiqing Yin, le vêtement comme sculpture

La Cité de la dentelle et de la mode à Calais sublime l’hybridation des disciplines artistiques de Yiqing Yin, entre grâce et élégance, fluidité et mouvement, rêve et exploration des sens.

« Revenir à mes vêtements, c’était comme vivre à nouveau dans mon corps et mes émotions, j’étais chez moi. » C’est avec ces mots que Yiqing Yin résume son approche sur son site vitrine. Aujourd’hui, l’institution culturelle calaisienne nous invite à la découvrir davantage et propose une immersion dans son œuvre onirique. 

Cette virtuose pluridisciplinaire, originaire de Pékin, est la première créatrice chinoise à obtenir le label officiel « haute couture » décerné par la Chambre syndicale en 2015, dix ans après avoir créé sa marque. La vision imaginaire de cette artisane intuitive, à la fois « couturière, directrice artistique, créatrice de costumes et muse », n’a pas manqué de se faire remarquer par la profession. 

Ses œuvres sculpturales jouent avec les volumes en mutation, les diagonales, les arrondis, les arabesques, les plissés, les drapés ou encore les mélanges savants entre matières rigides et vaporeuses. Surtout, elles tissent un délicat dialogue entre l’être humain et la nature dans une idée permanente d’émancipation du corps et de l’esprit.

Laboratoire d’expérimentations

L’exposition « D’air et de songes » met ainsi en lumière toute sa maîtrise à la croisée des arts, se concentrant ici sur la conception de la robe, où « le hasard, l’inattendu et l’indéterminé » se côtoient dans un voyage sensoriel. « Yiqing Yin puise son inspiration dans le minéral, le végétal et l’animal, élaborant ainsi une poétique du vivant qui tisse le fil rouge de l’exposition. Chaque création se révèle comme un paysage onirique, où rêve et éveil des sens s’entrelacent en une esthétique de la métamorphose », explique la curatrice Sylvie Marot. 

Le parcours immersif fait la part belle à ses robes haute couture, rythmé par des textures sonores (murmures, bruissement d’air), des passages olfactifs, des photographies, des films et des dessins. C’est d’ailleurs toute la richesse de Yiqing Yin. Cette diplômée de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris (ENSAD) est arrivée en France à l’âge de quatre ans, puis a fait escale en Australie, avant de revenir dans l’Hexagone. Elle s’est depuis investie dans la couture. « Par la modernisation de la technique du smock et l’élimination de tout ordre de construction, j’expérimente le vêtement “tombé”, à la recherche de lignes fluides », explique la prodige.

Son déclic ? Elle le doit à Yohji Yamamoto. C’est en découvrant son exposition « Juste des vêtements » durant ses années d’études qu’elle a décidé de lancer sa carrière en 2005. La reconnaissance ne s’est pas fait attendre. En 2009, elle remporte le Grand Prix de la Création de la Ville de Paris. L’année suivante, le festival international de la mode et de la photographie d’Hyères la révèle au grand jour. Et tout s’enchaîne. Elle présente son premier défilé lors de la semaine de la haute couture de Paris et rejoint la liste des « Huit jeunes créateurs à suivre » établie par Vogue. Forcément, les récompenses se succèdent tout autant.

La création au-delà des frontières

Dix ans d’exploration et déjà une grande créatrice à l’avenir prometteur, donc. Celle qui souffle en 2025 ses quarante bougies a agi comme directrice artistique pour les maisons de couture françaises Leonard et Poiret. On lui doit également plusieurs collections de prêt-à-porter féminin au sein de son atelier et de belles créations avec des clients comme Cartier, Guerlain, Hermès, Swarovski, Lancôme, Vacheron Constantin et Dominique Ropion. 

Elle a très vite étendu son champ d’action aux domaines du cinéma et de l’art. Elle est passée par la Biennale de Venise (2013), a vêtu Audrey Tautou en tant que maîtresse de cérémonie au Festival de Cannes (2013) et Marion Cotillard pour le film musical Annette de Leos Carax (2021). Elle s’est également frayé un chemin sur la scène lyrique, comme avec le ballet Tristan et Yseult dirigé par Giorgio Mancini (2016) à l’Opéra de Florence. Elle a notamment habillé Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio, les danseurs de l’Opéra Garnier qui tenaient les rôles principaux. 

Artiste complète, Yiqing Yin ne cesse ainsi de réinventer la haute couture, entre modernité et innovation, avec ses silhouettes pleines de force et d’assurance, d’élégance et de sensualité.

« D’air et de songes »
Cité de la dentelle et de la mode
135, quai du Commerce, Calais 
Du 14 juin 2025 au 4 janvier 2026

cite-dentelle.fr

yiqingyin.com

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