La Fondation A à Bruxelles expose le travail de l’un des pionniers de la photographie en noir et blanc, Ray K. Metzker, connu pour avoir sondé les rues de Chicago et de Philadelphie.

© Estate Ray K. Metzker / Courtesy les Douches la Galerie, Paris
« La photo est si ancrée en moi, je ne peux guère imaginer faire autre chose. Elle est mon alter ego, l’autre de mon dialogue intime. » Ray K. Metzker (1931-2014) est un photographe moins connu que ses pairs, mais il semble bien parti aujourd’hui pour quitter l’ombre pour la lumière. Ce virtuose, originaire de Milwaukee, dans le Wisconsin, s’est formé à l’Institute of Design de Chicago, anciennement appelé New Bauhaus. Il s’est inspiré du travail d’Henri Cartier-Bresson, de William Klein ou de W. Eugene Smith, a étudié sous le professorat de Harry Callahan et d’Aaron Siskind, et a eu au démarrage de sa carrière l’attention d’Edward Steichen, alors directeur du département photographique du MoMA de New York. Au fil du temps, il s’est fait un nom avec ses photographies d’avant-garde de paysages urbains en noir et blanc, mais aussi ses composites, ses photomontages et ses superpositions de négatifs.

© Estate Ray K. Metzker / Courtesy les Douches la Galerie, Paris
AUDACE CRÉATIVE
La Fondation A à Bruxelles accueille ainsi la seconde exposition en Europe consacrée à Metzker, après celle qui s’est tenue en 2007 au musée de l’Élysée à Lausanne. L’institution belge célèbre cette année les dix ans de sa disparition en présentant plus de cent photographies, dont ses séries les plus emblématiques. Tous les tirages en noir et blanc exposés sur les cimaises émanent de la succession de Ray K. Metzker à Philadelphie et de la galerie Les Douches à Paris, qui le représente exclusivement en Europe.
Celui qui s’est positionné à contre-courant d’une street photography a ainsi su explorer autrement le potentiel de l’espace urbain. Sur cinquante ans de carrière, il n’a eu de cesse « d’analyser, de déconstruire et de juxtaposer certaines de ses photographies » pour mieux recomposer et constituer des images uniques. Il a joué avec les ondes lumineuses, les lignes verticales et horizontales, les variations d’échelle, la multiplicité, les cadrages.
La série The Loop, prise à la fin des années 1950, montre très vite son inventivité. Elle tire son nom de la ligne de métro surélevée en forme de boucle qui longe le centre historique de la grande cité du Midwest. Dans cet espace urbain, sis dans le quartier des affaires de Chicago, il capte « la lumière jouant à cache-cache avec l’ombre entre les formes architecturales vertigineuses ». Un véritable jeu de rigueur géométrique et de structure graphique.
Au début des années 1960, il décide de traverser l’Europe en voiture, emportant avec lui « un agrandisseur qui lui permet de développer ses films dans ses chambres d’hôtel ». Avec une quinzaine de pays au programme de ses pérégrinations, il poursuit toujours plus son dialogue avec la lumière dans des scènes de vie quotidienne.

© Estate Ray K. Metzker / Courtesy les Douches la Galerie, Paris
EXERCICES DE STYLE
Au cours des années suivantes, il retourne aux États-Unis et photographie les rues de Philadelphie. Dans cette ville de Pennsylvanie, où vivent ses parents, il développe une approche plus graphique, esthétique et minimaliste en assemblant ses images dans une double exposition, à travers sa série Double Frame.
Ce style préfigure ses fameuses Composites qui marquent un tournant dans son travail. Ray K. Metzker considère ici la pellicule entière comme une seule image. Il associe des bandes argentiques à des tirages à expositions multiples pour créer de nouvelles oeuvres, qui se lisent comme des tapisseries graphiques ou des strips ludiques.
Avec Pictus Interruptus, il s’envole pour la Grèce dans les années 1970-1980 et s’empare de la beauté de l’île de Paros, où il se transforme « en sculpteur de formes en deux dimensions », traçant une nouvelle « cartographie de l’imaginaire ». À travers City Whispers, il continue de sublimer la ville et la lumière, créant cette fois dans un format à négatif unique des structures graphiques réalisées dans des compositions à négatifs multiples. Le tout dans un jeu de superposition qui imprègne les scènes philadelphiennes d’une mélancolie quasi existentielle.
À la vue de son riche portfolio, on s’aperçoit que son oeuvre traverse le temps, gardant cette approche intemporelle en parfaite adéquation avec la scène photographique contemporaine.
« RAY K. METZKER – CITY LUX » FONDATION A
304, AVENUE VAN VOLXEM, BRUXELLES (BELGIQUE)
JUSQU’AU 22 DÉCEMBRE 2024
FONDATIONASTICHTING.COM








