Dans le désert d’Abou Dabi, au cœur d’un paysage où passé et avenir se confondent, un vaisseau d’acier et de lumière émergera en décembre 2025. Plus qu’un musée, le Zayed National Museum est une promesse : celle d’un lieu habité par la mémoire, le rêve, et la vision d’un homme, cheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, père fondateur des Émirats arabes unis.
Ce lieu manifeste, tout en verticalité symbolique, s’élèvera bientôt sur l’île de Saadiyat, devenant le nouveau cœur battant de l’ambition culturelle émirienne. Confiée au cabinet Foster + Partners, l’architecture du musée convoque la force du mythe et la précision de l’ingénierie. Cinq tours inclinées, en acier finement ciselé, tranchent le ciel comme autant d’ailes figées en plein vol. Hommage manifeste à la fauconnerie, art ancestral et passion intime de cheikh Zayed, ces structures ne relèvent pas uniquement du geste symbolique : elles agissent comme cheminées thermiques, générant une ventilation naturelle dans ce temple érigé au seuil du désert.
L’ensemble architectural repose sur une colline artificielle qui résume la topographie émirienne ; non pas un caprice paysager, mais un socle narratif. Le visiteur y descend, littéralement, avant de remonter vers la lumière. Ce parcours vertical, entre intériorité et élévation, épouse une dramaturgie spatiale : il s’agit d’entrer dans l’histoire, de s’enfoncer dans la mémoire d’un peuple pour mieux réapparaître dans l’élan du présent.
À l’intérieur, le silence résonne des pas de l’humanité, de ses tâtonnements premiers jusqu’aux architectures de la foi et de la coexistence. Six galeries permanentes, organisées comme autant de chapitres, retracent 300 000 ans d’histoire sur le territoire émirien. Les pièces maîtresses s’y dévoilent avec une retenue majestueuse : le Coran bleu, manuscrit rare de la calligraphie islamique, d’une intensité saisissante ; la perle d’Abou Dabi, vieille de près de 8 000 ans, minuscule mais infiniment précieuse ; ou encore une réplique d’un navire de l’âge de bronze, vestige d’un commerce maritime dont la mémoire palpite encore sous les flots.
Mais ce musée ne se contente pas de montrer : il inspire, immerge, interroge. Loin du dispositif muséal figé, les objets dialoguent avec des installations numériques, des espaces de médiation vivante, des programmes éducatifs qui sondent le rapport à la nature, à la transmission, à la fédération. L’héritage de cheikh Zayed s’y lit non comme un ensemble d’archives, mais comme un appel.
Au-delà des galeries, le musée est aussi un lieu de vie, pensé comme un majlis contemporain, cet espace d’hospitalité et de parole typiquement bédouin. Cafés, librairie, restaurant, auditorium, espaces de performance : tout est conçu pour favoriser la rencontre, la circulation, la pensée partagée.
À l’extérieur, le jardin Al Masar, oasis végétale bordée de plantes indigènes et de sculptures animalières, prolonge cette philosophie du lien. Entre les dunes reconstituées, un falaj (système d’irrigation traditionnel) interactif murmure la nécessité d’une connexion renouvelée entre nature et culture. Le lieu n’est pas seulement un sanctuaire du passé, mais un écosystème vivant où se rejouent les équilibres à inventer.
À quelques encablures du Louvre Abu Dhabi, du futur Guggenheim, et du Natural History Museum, le Zayed National Museum s’inscrit dans un maillage culturel sans précédent. Plus qu’un joyau architectural, il devient le pivot d’un projet civilisationnel : faire des Émirats un acteur majeur de la diplomatie culturelle du XXIᵉ siècle.
Mohamed Khalifa Al Mubarak, ministre de la Culture et du Tourisme, parle du musée comme d’« un phare identitaire ». Et c’est bien cela que l’on devine dans cette verticalité offerte au ciel : un appel au dépassement, une écriture dans l’espace du souvenir collectif.
L’ouverture de cette institution en décembre 2025 ne sera pas simplement un événement muséal, mais marquera aussi un seuil entre mémoire et avenir pour une région qui se projette dans le monde avec audace et dignité. Le Zayed National Museum ne sera pas un musée comme les autres : il sera un lieu de récit, de rencontre, de mémoire active. Un lieu où le passé n’est pas relégué à l’arrière-plan, mais inspire pleinement l’avenir.