La quatrième itération de Forever is Now a de nouveau transcendé le temps et les frontières culturelles au pied des pyramides de Gizeh à travers 12 oeuvres d’artistes de différents pays. Zoom sur quelques installations.
C’est à « un voyage de découverte » que nous convie encore Forever is Now 04 (FIN 04). Depuis quatre ans, l’exposition phare de l’art contemporain, initiée par Art d’Égypte / Culturvator, ne cesse de faire revivre l’esprit de la civilisation égyptienne antique. Ce rendez-vous annuel célèbre les pyramides de Gizeh et le plateau environnant, patrimoine mondial de l’UNESCO, vieux de 4 500 ans.
La quatrième édition, qui s’est déroulée du 24 octobre au 16 novembre, nous invite à contempler « l’inépuisable quête humaine de sens ». Douze artistes se sont glissés dans la peau d’archéologues, utilisant la créativité comme outil pour « reconsidérer le familier, élever l’ordinaire et trouver les trésors cachés à la vue de tous ».
Les visiteurs ont suivi ce processus et ont ainsi découvert des installations conçues avec des matériaux non conventionnels, rappelant que « comme l’archéologie, l’art exige un oeil pour l’inattendu et le courage de célébrer le banal ».

EXPÉRIENCES PARTICIPATIVES
Forever is Now 04 garde ici cette volonté de construire une culture de l’interconnectivité, où les perspectives changent et les interprétations évoluent. Les thématiques ont exploré la transcendance, l’espoir et la foi ancrés dans la vision du monde de l’Égypte ancienne.
« Cette année est particulièrement spéciale, car c’est la première fois que nous présentons des artistes d’Asie, ouvrant de nouveaux dialogues et connexions au-delà des frontières », explique Nadine Abdel Ghaffar, fondatrice de la société Art d’Égypte.
Cette manifestation continue ainsi de retracer et d’explorer le passé, se fondant sur la conviction qu’il n’existe aucune conception de l’avenir sans histoire. « Nous examinons le récit des réalisations antérieures pour questionner, trouver l’inspiration et comprendre la nature et le but des générations successives », réaffirme-t-elle.
DE L’ANTIQUE À L’IA
La grande nouveauté de cette édition est d’intégrer pour la première fois l’intelligence artificielle (IA) par le biais de deux projets parallèles. À commencer par celui du designer égypto-américain Hassan Ragab, qui a relié la technologie et l’art traditionnel. Son installation Identity Oblivious, soutenue par Meta, la société de Mark Zuckerberg, exprime l’idée que l’IA peut contribuer à élargir le domaine de l’expression créative.
L’artiste saoudienne Daniah Al Saleh s’est plutôt concentrée sur un projet vidéo de dix minutes. Evanesce revisite l’âge d’or du cinéma égyptien des années 1940 à 1960. Entre recherche et machine learning, l’oeuvre réimagine l’expérience de regarder ces films classiques, qui ont façonné les souvenirs collectifs et les perceptions de la réalité. Elle remet ainsi en question les normes autour de la mode, de l’amour et de l’expression personnelle.
CHEMIN DE PAIX ET DE TRANSFORMATION
Padma / Lotus est la première installation présentée par une artiste indienne. Dans son travail, Shilo Shiv Suleman fusionne des symboles orientaux et occidentaux pour créer des installations immersives qui représentent une renaissance de la conscience. Son art, ancré dans l’Inde précoloniale, fait ainsi le pont entre le réalisme magique, l’art, la nature, la culture, la technologie, l’énergie féminine et la justice sociale. Ici, elle s’inspire de la fleur de lotus bleu, offrant un espace de connexion et de paix. Son oeuvre, composée de 10 lotus en laiton fabriqués à la main par des artisans en Inde, utilise des capteurs de pouls pour visualiser les battements de coeur des visiteurs, les invitant à les synchroniser ensemble. Padma / Lotus est une évolution de son autre oeuvre, Pulse and Bloom, montrée à Burning Man en 2014.
De son côté, l’Athénienne Nassia Inglessis aime désobéir aux limites de notre existence physique. Ses sculptures prennent forme et se transforment au gré des interactions humaines. Son oeuvre Liquid Solid imagine un voyage dans le passé pour former une vision du futur qui unit l’humain, le technologique et l’élémentaire. Elle traite ici le sable du désert comme un solide liquide afin de révéler l’essence liquide au-delà de la solidité des pyramides.
FORCE DES ÉLÉMENTS
Le Britannique Chris Levine travaille quant à lui dans le domaine de l’art lumineux et de la perception spatiale. Il utilise la lumière pour imprégner ses oeuvres d’une touche spirituelle et méditative. Son installation Quadrivium, inspirée par la grande pyramide de Khéops, explore l’étude ancienne de l’arithmétique, de la géométrie, de l’astronomie et du son. Des éléments essentiels à la compréhension de l’Univers, comme il le rappelle. Son espace contemplatif unit ainsi le spirituel et les mathématiques, invitant le spectateur à sonder les vérités universelles ancrées dans le plateau de Gizeh.
Jean Boghossian se fait plutôt le spécialiste de l’art du feu. Les toiles et sculptures brûlées de cet artiste belge, d’origine libano-arménienne, témoignent du pouvoir transformateur de la flamme, représentant à la fois la destruction et la création. Sa sculpture Desert Waves incarne le thème de l’excavation, établissant un dialogue architectural et symbolique avec le paysage environnant à travers de grandes plaques d’acier ondulantes. Cette juxtaposition reflète la façon dont les artefacts des pyramides s’harmonisent avec le paysage naturel du désert. Son travail fait ainsi écho à l’esprit durable de la renaissance.
TRAVERSÉE EN BATEAU
L’artiste français Jean-Marie Appriou manie les matériaux sculpturaux pour créer des mondes fantastiques habités par des figures humaines, animales et végétales. Son installation Vessel of Time, réalisée en argile du Nil, s’inspire de la barque solaire de Khéops, découverte sur le plateau de Gizeh. Ce bateau évoque les embarcations enterrées près des tombes royales qui transportaient les défunts ressuscités à travers les cieux. Un enfant accompagne la sculpture, représentant le lien entre le passé, le présent et le futur.
Xavier Mascaró choisit d’intégrer l’architecture, le design et la sculpture dans ses oeuvres qui interagissent souvent avec l’environnement. Pour sa création Exodus, le sculpteur et peintre espagnol et latino-américain s’inspire des iconographies antiques où la barque avait un rôle rituel, comme un moyen de passage d’une vie à l’autre, à l’image des bateaux funéraires égyptiens. Son oeuvre joue ainsi avec les perspectives et les perceptions, se rapportant au temps actuel, à celui qui s’écoule et à notre mémoire. Telle une archéologie imaginaire du présent, vue depuis le futur.
DE LA NATURE AU COSMOS
Jake Michael Singer, établi en Afrique du Sud, fusionne quant à lui la sculpture, la photographie et la peinture, centrées sur la matérialité, le mythe et la catharsis. Son travail explore la tension entre les paysages naturels et les environnements urbains. L’installation We Will Meet Again in the Sky reflète la juxtaposition de l’ancien désert sacré du plateau de Gizeh à la modernité, incitant les spectateurs à repenser leur relation avec la nature et l’histoire. Ici, l’oiseau en vol symbolise le divin ancré dans la cosmologie égyptienne. Selon ses propos, les dieux et les esprits étaient souvent représentés comme des êtres anthropomorphes liés aux éléments naturels. Ce choix des formes aviaires rend ainsi hommage à cette iconographie et à l’esprit des divinités antiques.
On termine avec l’oeuvre de Federica Di Carlo. L’artiste italienne examine le lien profond avec la nature et le cosmos dans une relation entre l’humain, l’environnement, les frontières, le pouvoir et l’inconnu. Son installation I See, I See est une fusion entre le scientifique et le mystique, symbolisant les possibilités infinies de la vie et les énergies invisibles. Un grand oeil d’Horus/Ra, composé de milliers de lentilles optiques graduées, est ainsi placé entre le spectateur et le paysage des pyramides de Gizeh, devenant un point de vue pour des visions à chaque fois différentes et inattendues.
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