Le Palais Galliera rend hommage à Rick Owens dans une rétrospective monumentale : « Temple of Love ». De Venice Beach aux ors parisiens, cette exposition dévoile un langage vestimentaire radical, mystique et politique, où le vêtement devient un acte de foi.
Il fallait un lieu à la hauteur de l’esthétique de Rick Owens. Un écrin solennel, capable d’accueillir le silence comme la subversion. Le Palais Galliera, musée de la mode de Paris, s’y prête avec grâce, en accueillant du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026 l’exposition « Rick Owens, Temple of Love ». Pensée comme un sanctuaire sculptural et spirituel, cette rétrospective dirigée par Owens lui-même retrace son parcours depuis ses débuts dans la Californie underground jusqu’à ses créations les plus récentes, en passant par son établissement iconique à Paris en 2003.
Plus de 100 silhouettes, des archives personnelles, des vidéos, des installations inédites et des œuvres de Gustave Moreau, Joseph Beuys ou Steven Parrino accompagnent cette immersion dans l’univers d’un créateur devenu prophète. Owens imagine un itinéraire qui déborde des salles du musée : 30 sculptures en ciment brutaliste prennent place dans le jardin, les statues de la façade sont drapées dans un tissu brodé de paillettes, et le parterre floral est repensé comme un hommage à ses racines californiennes.
Né à Porterville en 1961, Rick Owens débute comme patronnier à Los Angeles avant de lancer sa griffe en 1992. Il récupère jerseys, sacs militaires, couvertures d’armée, cuirs lavés… pour les détourner en robes et vestes sculpturales. Dès les années 2000, ses silhouettes gothiques, drapées, coupées au scalpel, imposent un style aussi sensuel que dérangeant.
À Paris, il inscrit son œuvre dans une grammaire architecturale et politique : les mannequins deviennent performeuses de stepping, les sexes sont exposés, les corps réels, hors normes, glorifiés. Le vêtement ne recouvre pas : il transforme. Il devient un manifeste. Chez Owens, la matière n’habille pas : elle façonne. Les épaules sont monumentales, les plis évoquent des cathédrales. Les couleurs sourdes prévalent, comme le fameux gris « dust », signature minérale du créateur. Mais ici, ce n’est pas la violence qui domine : c’est la foi dans l’imperfection, dans la puissance d’un vêtement pensé comme architecture intérieure.
Ce qui frappe, c’est la cohérence de l’œuvre. Dans un monde souvent écrasé par l’immédiateté et le marketing, Owens bâtit patiemment une esthétique du refus et de l’excès. Son travail évoque le sacré, l’hérésie, la marginalité revendiquée. Il ne suit aucune tendance. Il construit un langage. Au fil de l’exposition, la présence de Michèle Lamy, muse et compagne de toujours, traverse le parcours comme une ombre bienveillante, jusqu’à la reconstitution de leur chambre californienne.
En consacrant ce projet inédit, Paris reconnaît la portée de celui qui fut longtemps considéré comme marginal. Rick Owens ne fait pas que dessiner des vêtements. Il érige une vision, une résistance, un art sacré du textile. « Temple of Love » n’est pas une simple exposition : c’est une liturgie.
« Rick Owens, Temple of Love »
Palais Galliera
10, avenue Pierre-Ier-de-Serbie, Paris 16e
Du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026