À l’occasion du centenaire du surréalisme, le Museum für Fotografie à Berlin présente un aperçu des oeuvres de Max Ernst et de leurs correspondances avec le médium photographique.
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Lichtdruck nach Frottage, 32,5 x 50 cm. Sammlung Würth © VG Bild-Kunst, Bonn 2024
Max Ernst (1891-1976) est un acteur incontournable du dadaïsme et du surréalisme. Ses oeuvres ont transcendé les genres, associant rêve et réalité grâce à une grande variété de styles et de techniques. Ce pionnier de l’avant-garde du XXe siècle a été marqué par les bouleversements historiques entre les deux guerres mondiales, les camps de concentration et les mouvements artistiques. L’homme entame son travail exploratoire en réaction aux horreurs de la première, avant d’être forcé à l’exil durant la seconde, considéré comme un « étranger indésirable ». Entre plusieurs allers-retours contraints, ce natif de Brühl, en Allemagne, passé par New York et Sedona, en Arizona, pour fuir le nazisme, s’installe en France, à Paris puis en Touraine et dans le Var. Sa rencontre avec André Breton, à l’origine du Manifeste du surréalisme, est décisive. Ses amitiés qui suivent le seront tout autant, comme celles avec Paul Éluard, Alberto Giacometti, Marcel Duchamp, Joan Miró et tant d’autres.
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Sammlung Würth © VG Bild-Kunst, Bonn 2024
EXPLORATEUR DES FORMES ET DES TECHNIQUES
Ce touche-à-tout à la personnalité libre et singulière pratique ainsi la peinture, le dessin et la sculpture, signe des textes et des romans-collages, invente la technique du frottage, développe celle du grattage, réalise des décalcomanies et s’inspire du dripping de Jackson Pollock.
Le Museum für Fotografie (musée de la photographie) à Berlin offre une plongée intéressante dans la collection Würth du milliardaire et mécène allemand Reinhold Würth. Il s’agit de la première exposition à « rechercher des points d’intersection entre son oeuvre et le médium photographique ». Près de 270 oeuvres sont de ce fait mises en lumière entre papier, peintures, photographies, photogrammes, collages et livres illustrés de ses contemporains surréalistes.
Le titre de l’exposition, « FOTOGAGA », est un clin d’oeil à un ensemble d’oeuvres composé par Hans Arp et Max Ernst, appelé « FaTaGaGa » (FAbrication de TAbleaux GArantis GAzométriques). Ces collages collectifs, exposés pour la première fois en 1920 à Cologne, rejetaient les convenances artistiques de l’époque. Accusée d’« obscénité », cette exposition fut censurée. Le Museum für Fotografie présente en particulier l’un de ces photocollages dans lequel les deux artistes évoquent leur relation d’amitié.
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Sammlung Dietmar Siegert © Eva Kosakova Medkova; Repro: Christian Schmieder
LIBÉRER LE MONDE ET L’IMAGINATION
L’éventail des oeuvres sélectionnées est ainsi présenté dans un contexte à la fois contemporain et historique, soulignant cet attrait constant pour l’expérimentation et le jeu créatif avec le hasard. Instantanés, photographies scientifiques et images de machines de guerre… les inspirations de Max Ernst sont multiples.
« Il a utilisé des techniques de reproduction photographique pour augmenter l’impact visuel de ses oeuvres : les agrandissements ont permis à ses collages de petit format de rivaliser avec les peintures dans les expositions ; la production de cartes postales photographiques des collages a permis de distribuer rapidement et facilement les oeuvres ; et l’inversion des valeurs tonales dans un photogramme a renforcé l’effet de ses frottages », explique le Museum für Fotografie.
À l’instar de ses camarades surréalistes, Max Ernst a toujours tenté d’exprimer ce qui se cache derrière la réalité ordinaire et à l’oeil nu, ouvrant sur un imaginaire fantastique. Le médium photographique, alors en évolution, a offert un terrain fertile entre procédés oubliés du XIXe siècle et nouveaux matériaux photosensibles.
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Sammlung Würth © The Josef and Yaye Breitenbach Charitable Foundation
DEVANT ET DERRIÈRE L’OBJECTIF
L’exposition complète tous ces points d’intersection avec des portraits photo de Max Ernst. Car l’homme est aussi connu pour avoir été l’un des artistes les plus photographiés du XXe siècle. S’il a posé pour des photographes renommés (Berenice Abbott, Henri Cartier-Bresson, Man Ray, Lee Miller, Irving Penn…), il a également expérimenté le potentiel ludique des cabines Photomaton.
Cet artiste érudit, marié successivement à Luise Straus-Ernst (morte à Auschwitz), Marie-Berthe Aurenche, Peggy Guggenheim et Dorothea Tanning, avec laquelle il termina sa vie, n’a eu de cesse de se réinventer. Son oeuvre onirique et métaphysique continue d’avoir un impact sur l’évolution de l’art moderne et contemporain.
« FOTOGAGA : MAX ERNST AND PHOTOGRAPHY » MUSEUM FÜR FOTOGRAFIE
JEBENSSTRASSE 2, BERLIN (ALLEMAGNE)
DU 18 OCTOBRE 2024 AU 27 AVRIL 2025
SMB.MUSEUM