Le Met de New York retrace la carrière de cet architecte moderniste américain, affilié au brutalisme, en présentant la première grande exposition d’architecture du XXe siècle depuis plus de cinquante ans.
Il fut l’un des architectes les plus importants du XXe siècle, mais aussi l’un des plus méconnus. Paul Marvin Rudolph (1918-1997) est considéré comme l’un des premiers praticiens de l’école d’architecture de Sarasota. Sa carrière a connu une ascension fulgurante dans les années 1950 et 1960, au même titre que certains de ses confrères, comme le Finno-américain Eero Saarinen et le Sino-américain I.M. Pei, avant de subir un revers de fortune. Ce fervent défenseur du brutalisme a fait ses armes à l’Institut polytechnique d’Alabama et à Harvard avec Walter Gropius. On lui doit des maisons de bord de mer en Floride, la résidence du créateur de mode Halston, qui appartient aujourd’hui à Tom Ford, les Tracey Towers à New York, le Boston Government Service Center, ou encore l’école d’art et d’architecture de l’université Yale, qu’il dirige de 1957 à 1965.

© Photo: Ezra Stoller / Esto, Yossi Milo Gallery
VIRTUOSE DU DESSIN
L’exposition du Met nous invite à le (re)découvrir. Il s’agit de la première consacrée à son oeuvre aussi étonnante que musclée, curatée par le conservateur britannique Abraham Thomas. « Materialized Space » examine ainsi le travail de celui qui continue d’inspirer « des idées de renouvellement urbain et de réaménagement dans les villes du monde ». La plupart des archives de Paul Rudolph, contenant plus de 100 000 éléments disparates, ont été léguées de son vivant à la bibliothèque du Congrès.
Ici, plus de 80 oeuvres envahissent les espaces de l’institution new-yorkaise, réunissant objets, dessins, maquettes, meubles, échantillons de matériaux et photographies. L’accrochage, scindé en sections thématiques, suit les différentes étapes de sa pratique, centrée sur le logement, les projets civiques, les mégastructures, les intérieurs et ses commandes en Asie. Celles-ci remettent en exergue « sa pensée radicale à l’ère moderniste » et « son processus artistique complexe du développement architectural ».
Une large place est surtout accordée à ses dessins rigoureux, qui ont également établi sa notoriété. Les plans d’étage et les schémas conceptualisés, richement détaillés, redonnent vie à ses visions utopiques de mégastructures urbaines et d’intérieurs immersifs. Tous ces rendus en perspective restent aujourd’hui « des outils d’enseignement essentiels dans les écoles d’architecture », tout en préservant son approche originelle sur bon nombre de projets, tournés vers l’avenir, qui ont été détruits au cours des deux dernières décennies.
CONTROVERSE BRUTALISTE
Le parcours poursuit l’analyse curatoriale à travers ses travaux non réalisés à New York, notamment sur le Lower Manhattan Expressway de Robert Moses. Cette proposition visait à relier le New Jersey à Brooklyn, au Queens et à Long Island via le Holland Tunnel et les ponts de Manhattan et de Williamsburg. Son idée de corridor en forme de Y envisageait alors les réseaux de transport comme un moyen d’unir les communautés plutôt que de les diviser. Mais elle fut désapprouvée, « arguant que ce projet détruirait un quartier urbain dynamique ».
Le Met termine sur le déclin de popularité de cette star de l’architecture dans les années 1970, à travers plusieurs de ses bâtiments brutalistes, qui ont souffert d’un discrédit esthétique. L’exposition explique ainsi pourquoi ce style architectural de l’après-guerre des années 1950, auquel il était étroitement associé, s’est « désynchronisé avec les critiques postmodernistes et les attitudes contre-culturelles croissantes de l’époque ». Le brutalisme, comme les projets architecturaux en béton, ne cesse encore aujourd’hui d’être controversé et source de division.
Paul Rudolph s’est retiré de la grande scène architecturale pour se tourner vers des conceptions d’intérieur expérimentales, marquant un certain retour, la décennie suivante, avec des projets commerciaux en Asie de l’Est. Un phénix qui renaît aujourd’hui de ses cendres.
« MATERIALIZED SPACE: THE ARCHITECTURE OF PAUL RUDOLPH »
METROPOLITAN MUSEUM OF ART (MET)
1000 FIFTH AVENUE, NEW YORK (ÉTATS-UNIS)
JUSQU’AU 16 MARS 2025
METMUSEUM.ORG