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APOLONIA SOKOL

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« Vous peignez une femme nue parce que vous aimez la regarder, vous lui mettez un miroir dans la main puis vous intitulez le tableau Vanité, et ce faisant, vous condamnez moralement la femme dont vous avez dépeint la nudité pour votre propre plaisir. » John Berger, Voir le voir.

Dans des temps anciens, la femme était considérée comme un être divin, donnant la vie d’on ne sait où, comme par magie. Elle était une force de la nature par sa capacité mystérieuse à porter un enfant, à le faire naître, à le nourrir. Puis l’homme a pris conscience de son rôle dans la procréation. Procréation qui engendre filiation et, par conséquent, protection de son pré carré. La femme a alors été réduite à son rôle d’enfantement et, paradoxalement, dépossédée de son corps.

© Apolonia Sokol, Claude Emmanuelle as Venus, 2024
Oil and mica crystal on canvas 195 x 114 cm


Les femmes d’Apolonia Sokol sont des forces de la nature, puissantes et libres. Le regard franc, elles portent en elles la trace d’une longue lignée de luttes pour leur émancipation et pour disposer pleinement et simplement de leur corps. Elles ne sont pas nostalgiques d’une période révolue, mais tournées vers l’avenir. Celui de leurs enfants. Apolonia peint des femmes enceintes et des mères comme des madones, mais dont les enfants ne seront pas sacrifiés. Des femmes indépendantes à l’image des sorcières de l’Inquisition. Et désormais des « ielles » qui assument pleinement leur féminité et leur place dans la société. Toutes imposent leur nom, qui devient ainsi le titre de chaque oeuvre.

Dans ses portraits ou dans ses grands tableaux de groupes féminins aux allures de fresques mythologiques, on retrouve sans cesse le visage de l’artiste. Apolonia évoque sa vie passée à vivre dans un théâtre. Les autoportraits émanent de son expérience de mise en scène et de vie publique et illustrent l’ancrage de son oeuvre dans son quotidien, entourée de sa « tribu » : ses connaissances, ses amis, sa galeriste peuplent les toiles et se transforment tout à coup en Salomé, en Médée ou en Sainte Agathe. Daniel Arasse, dans ses Histoires de peintures, affirmait : « L’artiste est naturellement anachronique, il s’approprie les oeuvres du passé, et c’est son devoir. » Aussi l’oeuvre d’Apolonia est-elle empreinte de ces références. Elle détourne la vision classique du peintre masculin qui considère le corps comme objet de désir.

© Apolonia Sokol, La Nave Dei Folli [The Ship of Fools], 2021 – Oil on canvas, wooden curving structure 400 x 200 x 100 cm


L’actrice Delphine Seyrig et la cinéaste Carole Roussopoulos ont brandi à la fin des années 1960 la caméra comme un nouvel outil pour porter la parole des femmes. Une parole indispensable : non conformiste et irrévérencieuse. Elles ont porté un regard de femme sur les femmes, exactement comme le fait Apolonia dans sa peinture. Le format qu’elle adopte – à échelle 1 – et le cadrage frontal permettent de capter directement le message que nous transmettent l’artiste et ses modèles, celui de la repossession de leur identité, en se réappropriant des récits dans lesquels les femmes n’avaient pas leur mot à dire. « Les nus que je peins sont des nus politiques et non sexuels », affirme-t-elle, ajoutant, en citant Simone de Beauvoir : « Les femmes dans mes tableaux nous disent que l’on ne naît pas femme, mais qu’on le devient. »


En admirant les femmes d’Apolonia, on a le sentiment que ce sont elles qui nous regardent. Elles, muses et insoumises. « La peinture ne montre pas seulement, elle pense », soutenait Hubert Damisch dans sa Théorie du nuage en 1972. Les portraits et les scènes que peint Apolonia se révèlent grâce à la magie de la peinture à l’huile, composée par l’artiste à partir de pigments naturels. « La peinture est vivante », confie-t-elle. Apolonia est une peintre du temps : elle relie les femmes combattantes et inspirantes du passé, les enjeux de ses contemporaines, et les déploiements futurs et espérés du féminisme.

@APOLONIA_PAINTERESSE

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