La troisième édition parisienne de la plus importante foire d’art contemporain et moderne au monde a montré la richesse et la pluralité de la création française et internationale au coeur du Grand Palais, fraîchement rénové.
Depuis 2022, Art Basel Paris, anciennement Paris+ par Art Basel, se dessine une place de choix dans le paysage de l’art contemporain, rejoignant doucement les rangs de la foire mère à Bâle et de ses consoeurs à Miami et à Hong Kong. Cette troisième itération, dirigée et réinventée par Clément Delépine, renforce ce sentiment avec la participation de 195 galeries issues de 42 pays et territoires, dont 53 primo-exposants. Un nombre en augmentation avec 40 galeries supplémentaires par rapport à l’année précédente, comme l’annonce son directeur. Rien d’étonnant au vu de cette programmation, nourrie copieusement d’expositions, d’installations, de sculptures monumentales et de projets curatoriaux. Les trois ans de rénovation du Grand Palais ont permis d’augmenter la capacité d’accueil, avec notamment la réouverture des coursives pour un meilleur et nouveau parcours sur les balcons.
PREMISE, UN NOUVEAU SECTEUR
Clément Delépine a scindé cette nouvelle édition en trois grandes sections. La première, « Galeries », a regroupé 170 exposants français et de divers pays avec des chefs-d’oeuvre du XXe siècle. La Vedovi Gallery a par exemple présenté un tableau de 1965 de René Magritte,
Le Sourire du diable, aux côtés d’une oeuvre de Lucio Fontana, Concetto Spaziale (1960), qui a fait partie de la collection du réalisateur Claude Berri. Le stand de Richard Nagy Ltd. a entre autres mis en lumière l’évolution artistique d’Egon Schiele à travers différents moments de sa carrière, ainsi que des oeuvres du peintre et photographe allemand Christian Schad. La Landau Fine Art s’est concentrée, quant à elle, sur les mouvements du surréalisme, du pop art, du cubisme et de l’art brut en mettant en évidence plusieurs grands noms comme Miró, Picasso, Dubuffet et Lichtenstein.
La seconde, « Emergence », a fait place aux artistes qui s’imposent nouvellement sur la scène artistique, soutenue par le groupe Galeries Lafayette en tant que partenaire officiel. Les exposants ont ainsi déployé leurs stands sur les balcons rénovés qui entourent la nef centrale du Grand Palais et qui étaient inaccessibles depuis près de vingt ans. La galerie Christian Andersen y a présenté le projet fictif « Black Masters » de l’artiste zimbabwéen Shaun Motsi, qui sonde la construction de l’identité noire. Son installation cinématographique, comprenant son film Masters (2023), explore « la manière dont la production et la distribution traditionnelles des connaissances perpétuent les hiérarchies raciales ».
La troisième, « Premise », est une jolie nouveauté de la foire, retraçant l’histoire de l’art avec certaines oeuvres créées avant 1900. Sies + Höke a sondé l’évolution conjointe du travail photographique de Gerhard Richter et de Sigmar Polke. La Parker Gallery a mis en évidence les toiles de Wally Hedrick, figure de la Beat Generation de San Francisco, qui les avait recouvertes de peinture à l’huile noire pour protester contre l’escalade de la guerre du Vietnam. Bombon a exposé des dessins érotiques de l’artiste underground espagnol Nazario, tirés de sa série Anarcoma, considérée comme l’une des bandes dessinées homoérotiques révolutionnaires et provocatrices. De son côté, The Pill a proposé de montrer une oeuvre de Nil Yalter. Cette artiste d’origine turque, basée à Paris, a reçu le Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière à la Biennale de Venise 2024. Son installation The AmbassaDRESS (1978) explore l’histoire semi-fictionnelle d’une femme d’ambassadeur et de sa collaboration avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
À LA CONFLUENCE DES ARTS
Autre nouveauté d’Art Basel Paris, « Oh La La! ». Cette initiative a convié 31 stands à un raccrochage d’oeuvres rarement vues sur des thèmes comme l’amour, l’érotisme, l’héritage du surréalisme, l’identité queer et l’histoire. La galerie Anne Barrault a notamment dévoilé un dessin du même nom, conçu par le réalisateur et dessinateur iconique Roland Topor, à qui l’on doit le bijou d’animation La Planète sauvage. L’oeuvre Oh la la (1973) montre ainsi trois femmes à différents stades d’éveil de conscience dans un mystérieux cadre naturel. De son côté, la Konrad Fischer Galerie a laissé place aux figures marquantes de l’histoire de l’art du XXe siècle. À l’exemple de l’artiste et poète belge Marcel Broodthaers et son travail post-surréaliste, et du sculpteur suédo-américain Claes Oldenburg, connu pour ses objets pop monumentaux.
Le centenaire du surréalisme a bien sûr aussi été célébré, en parallèle de plusieurs grandes expositions dans la capitale, à l’instar de celle du Centre Pompidou. D’autres stands se sont consacrés au courant italien Arte povera, né à la fin des années 1960. Ailleurs, une soixantaine d’exposants ont mis en exergue le dynamisme et la vitalité de l’Hexagone, quand d’autres ont exploré la mythologie et le folklore. L’exposition de la Pace Gallery, « Mystic Sugar », a ainsi réuni des oeuvres de Louise Nevelson ou encore de Kiki Smith pour sonder la figure de la sorcière et le thème de la sorcellerie. La galerie Anne Barrault a davantage éclairé le travail des artistes, comme Marie Losier, Jagdeep Raina et Liv Schulman, qui se sont emparées du pouvoir subversif des apparences. Tout au long du parcours, des talents notables ont également fait rayonner la scène artistique contemporaine, tels Anish Kapoor et Ai Wei Wei (Galleria Continua), Barbara Kruger (Sprüth Magers), ou encore Frank Bowling et Barbara Chase-Riboud (Hauser & Wirth).
L’ART EN INTERACTION AVEC LE GRAND PUBLIC
Cette nouvelle émanation montre ainsi les multifacettes et la capacité de la foire parisienne à se réinventer. Art Basel Paris s’est ouverte à un plus large public, étendant son champ d’action sur dix grands sites patrimoniaux, avec Miu Miu en tant que partenaire officiel. L’univers de la mode a réussi son entrée en grande pompe. La maison de luxe de Miuccia Prada a inauguré le projet artistique « Tales & Tellers » au palais d’Iéna, conçu par l’artiste interdisciplinaire Goshka Macuga et curaté par Elvira Dyangani Ose, directrice du Museu d’Art Contemporani de Barcelona (MACBA). Plusieurs réalisatrices et actrices donnent ainsi vie à leurs personnages dans des histoires individuelles.
Dans le cadre de ce programme public, la foire a ajouté cinq lieux inédits. Le Petit Palais a proposé une réinterprétation de l’installation C’mon England de Jesse Darling pour laquelle il a remporté le prix Turner 2023. L’avenue Winston-Churchill s’est transformée en zone piétonne, vêtue des oeuvres de John Chamberlain, Yayoi Kusama et Jean Prouvé. Le Domaine national du Palais-Royal a accueilli l’artiste franco-égyptienne Ghada Amer avec Paravent Girls (2021-2022), une série composée de trois sculptures monumentales en bronze en forme de paravents et ornées de visages de femmes. Et enfin, l’hôtel de Sully a scindé sur deux sites l’exposition centrée sur la carrière du sculpteur britannique Lynn Chadwick. Parmi les monuments habituels, le parvis de l’Institut de France a célébré L’Arbre-Serpents (1988) de Niki de Saint Phalle, une sculpture représentant une douzaine de serpents entrelacés, recouverts de miroirs et de mosaïques en verre.
Pour boucler la boucle de cette riche édition, la foire a inauguré The Art Basel Shop. Ce concept store, sous le commissariat de Sarah Andelman, cofondatrice et ancienne directrice de création de la boutique Colette, qui a lancé son agence Just An Idea, a proposé des produits lifestyle pour prolonger l’expérience Art Basel. Des produits inédits du duo Claire Fontaine, fondé par Fulvia Carnevale et James Thornhill, ont également été présentés à l’occasion de la deuxième itération d’AB by Artist. Cette gamme est issue de leur série Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere, qui fut le thème de la 60e Biennale de Venise.
ART BASEL PARIS GRAND PALAIS
AVENUE WINSTON-CHURCHILL, PARIS 8E
DU 18 AU 20 OCTOBRE 2024
ARTBASEL.COM/PARIS