BURNING MAN 2024

La dernière édition de Burning Man, qui s’est déroulée du 25 août au 2 septembre dans le désert du Nevada, a de nouveau été riche en installations mêlant les matériaux, entre tradition et innovation. Zoom sur quelques oeuvres monumentales.

Temple of Together by Caroline Ghosn, 2024 © Mark Fromson


Chaque année, Burning Man (« Homme qui brûle ») ouvre les festivités de son grand rassemblement dans la ville fictive et temporaire de Black Rock City, en plein coeur du paysage aride du Nevada, à environ 150 kilomètres au nord-est de Reno. Des burners, comme on les appelle, s’y déplacent en grand nombre, de la dernière semaine d’août jusqu’au premier lundi de septembre, jour férié du Labor Day (fête du Travail) aux États-Unis.
Pendant neuf jours, donc, tous se réunissent pour célébrer l’art et l’innovation, l’expression de soi et l’esprit de communauté grâce à des installations (Art Camps) et une programmation musicale qui prolonge la catharsis. Un creuset de créativité et d’allégresse, qui a engendré son lot de grandeurs et de controverses au fil des années.

EN CONNEXION AVEC LE DÉSERT

À l’évidence, rien ne préfigurait le premier feu organisé en 1986 par Larry Harvey (1948-2018) sur la plage de Baker Beach de San Francisco, berceau du mouvement hippie, à devenir un phénomène mondial. Dans les années 1990, l’engouement fut en effet tel que le fondateur décida de troquer le bord de mer pour le désert du Silver State.
En 2004, ce rendez-vous artistique et musical, de plus en plus convoité par les stars, a pris une nouvelle tournure autour de dix commandements, comprenant entre autres l’engagement à ne pas laisser de trace de son passage. Tout doit donc disparaître dès la fin de chaque édition, au terme du gigantesque feu de clôture de la statue de bois, personnage totémique.
D’un temple néogothique à un pavillon à l’effigie du Man en passant par un cône de signalisation géant, les installations de 2024 continuent de démontrer toute l’ingéniosité de cet événement incandescent qui draine ces dernières années quelque 70 000 passionnés.

Coney McConeface by Chris Hankins © Gurps Chawla

TEMPLE OF TOGETHER

Pour cette nouvelle itération, les organisateurs ont choisi le projet à bilan carbone négatif de Caroline Ghosn, alias Glitter Kitty, pour concevoir l’installation principale. Elle est la première artiste de la communauté BIPOC (Black, Indigenous, and People of Color) à avoir cet honneur. Pour cette oeuvre monumentale, elle s’est inspirée de l’architecture religieuse néogothique, qu’elle a combinée à un style Art déco et à des techniques de tissage khaizaran libanaises pour créer un symbole d’unité et de respect. Cette approche des matériaux permet à l’installation d’être facilement démontée par les bénévoles de Burning Man et aux éléments matériels d’être réutilisés. La structure en arc de cercle, de 21 mètres de haut et de 29 mètres de diamètre, dessine la métaphore de la lumière qui émerge lorsque les gens se rassemblent. Deux mains jointes, sculpturales et colossales, font office de porte d’entrée. À l’intérieur, les visiteurs peuvent profiter de l’abondance de lumière et d’espace, issue du dôme.

Nebula Rider by Adrian Landon © Mark Fromson

THE OTHER

Le design de ce pavillon, soutenant l’effigie du Man, totem de l’événement, a été conçu par Jen Lewin. Sa conception a d’ailleurs été récompensée. Cette artiste-ingénieure, basée à Brooklyn, invite les participants à un voyage fantaisiste d’exploration et de jeu. L’installation interactive, dotée de huit tentacules, semblables à des canyons, propose de serpenter dans un paysage dynamique le long de rampes et d’escaliers menant à divers points de vue. Tous ces chemins, explorés individuellement, favorisent la connexion et la découverte. Le public peut ainsi vivre une aventure et profiter de la beauté des espaces intermédiaires. Une zone centrale est également destinée au rassemblement et aux interactions sociales sous la structure, ornée de bancs et d’espaces de repos interconnectés.

Vanessa Franking-Crimson lighting Lumiferous © Fire Ceremony

HÁBITAT

Cette sculpture en forme de coeur humain de 4 mètres de haut, conçue par l’artiste portoricain Mark Rivera, est composée de centaines de maisons formant des quartiers. Dès que les visiteurs s’approchent, les capteurs déclenchent l’éclairage. Et plus la foule se rassemble, plus les quartiers s’éclairent. Habitát reflète la vision de la vie ensemble et de l’harmonie de Mark Rivera. Pour lui, cette oeuvre est un « appel à l’action », encourageant les gens à s’engager auprès de leur communauté et à favoriser un esprit de paix et de coopération. Avec cette oeuvre, il témoigne du « pouvoir de l’art dans la transformation des espaces et des esprits », invitant les spectateurs à devenir actifs dans la création d’un monde plus harmonieux.

ART CARS

Les Art Cars, ou Mutant Vehicles (MV), sont des engins motorisés qui ont été radicalement modifiés à partir de leur conception d’origine ou, au contraire, construits à partir de zéro. Le premier Art Car de Burning Man est apparu sur la plage de Baker Beach dans les années 1990. Depuis lors, les véhicules mutants sont devenus une partie intégrante de Black Rock City. Comme de coutume, le défilé de véhicules a exposé cette année la vision d’une poignée de créateurs et d’artistes dans un mélange de merveilles d’ingénierie et de génie créatif. Une sélection gérée par le Department of Mutant Vehicles (DMV) qui tente de trouver un équilibre entre le désir d’avoir des engins spectaculaires et le respect des normes communautaires de l’événement, qui favorisent les piétons et les cyclistes.

Habitat by Mark Rivera, 2024 © Mattias Löw

NAGA AND THE CAPTAINESS

« Cette scène richement stratifiée est un moment figé dans le temps où un navire en train de couler déverse sa cargaison dans la mer. Des trésors et des fûts de whisky enflammés flottent dans les vagues, tandis qu’un serpent de mer, curieux et redoutable, s’approche de l’épave, à la recherche de quelque chose. Que s’est-il passé ici ? […] » Tel est le point de départ de cette installation interactive. Mais aussi l’une des multiples questions que soulève le trio d’artistes Cjay Roughgarden, Jacquelyn Scott et Stephanie Shipman. Ce projet est une collaboration entre plusieurs artisans et créateurs issus du collectif Five Ton Crane, basé à Oakland, qui se sont prêté main-forte pour construire le serpent de métal, le navire en bois et les trésors.

CONEY MCCONEFACE: THE LIFE AND DEATH OF A TRAFFIC CONE

Cette installation a été imaginée par l’artiste néo-zélandais Chris Hankins, derrière plusieurs autres oeuvres déjà exposées à Burning Man, comme Megatropolis (2010) ou encore Temple of Transition (2011). La sculpture est une réplique de 18 mètres de haut d’un cône de signalisation. Pour le créateur, il s’agit d’un « hommage à ce héros méconnu » utilisé comme mesure de sécurité dans les villes. Il est construit à partir de sous-cadres en bois recouverts de contreplaqué et peints en orange vif et de bandes argentées réfléchissantes. Deux portes invitent les gens à découvrir, à l’intérieur, un décor de jungle avec des vidéos qui rendent hommage à ce fameux plot triangulaire. Cette oeuvre a été placée au sommet d’une fissure dans le sol de laquelle s’échappe de la vapeur, en raison d’une activité géothermique sous la surface. Pur symbole de sécurité, elle a ainsi eu pour vocation de protéger les citoyens de Black Rock City contre les chutes dans la cavité.

Tall Tails by Clinton Lesh © Jane Hu

TALL TAILS

Cette sculpture d’un jackalope, créée par Clinton Lesh, mesure 3 mètres de haut. Elle a été fabriquée à partir de poils individuels en acier inoxydable, traités thermiquement pour colorer en or irisé, bleu et violet ce lièvre de Californie. Elle a également été sculptée en position de course pour ajouter du dynamisme et du mouvement. L’artiste américain, originaire du Montana, continue de créer des représentations positives de l’agriculture et de la faune. La source de son inspiration émane de l’esprit western inspiré de son enfance, de son éducation et de la beauté profonde de son Montana naturel et rural.

METAHEART by Johnny Crash © Gurps Chawla

RADIAL SONIC RUNWAY

Cette installation d’art lumineux audio-réactif convertit les signaux audio en motifs de lumière. L’équipe Runway a créé 25 portes qui s’étendent à l’horizon, destinées à être traversées à pied ou à vélo. Elles forment un couloir d’arches concentriques, dotées de LED, qui visualisent les ondes sonores. Par le biais d’un microphone, l’entrée audio (son et musique) est ainsi analysée et convertie en une variété de motifs complexes. Peu importe l’endroit où la personne se trouve, l’élément sonore et la lumière sont synchronisés en suivant son parcours dans le couloir. Le Radial Sonic Runway est une nouvelle version du Sonic Runway original unidimensionnel, conçu en 2003 et qui a connu une première évolution en 2016. Avec cette nouvelle pièce, les ondes audio peuvent remodeler l’espace lui-même.


METAHEART

On termine cette sélection 2024 avec une création de l’artiste Johnny Crash Hamilton. Cette sculpture tridimensionnelle, recouverte de miroirs, s’élève à 7 mètres du sol, reflétant les personnes et les scènes de vie qui l’entourent. Trois bras arqués en acier inoxydable forment un motif de coeur reconnaissable. En son centre est suspendue une structure rotative ayant la forme géométrique d’un cube de Métatron, symbole de notre cheminement de vie. Johnny Crash Hamilton invite ainsi le spectateur à réfléchir et à s’étendre au-delà des limites de son coeur. Cette pièce symbolise la découverte de l’amour, pour soi-même et pour les autres, dans chaque axe et plan, à travers le temps, l’espace et l’infini.

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