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LE VOYAGE À NANTES 2024

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© Jean-François Fourtou, L’enfant Hybridus, place Royale – Le Voyage à Nantes 2024 © Martin Argyroglo _ LVAN

Pour cette 13e édition, qui se tient du 6 juillet au 8 septembre, l’événement estival nantais fait dialoguer l’arbre et l’art avec plus d’une centaine d’oeuvres se déployant sur vingt kilomètres au coeur de la ville.

Max Coulon, Luffy and the tree. Esquisse © Max Coulon

Depuis 2012, le Voyage à Nantes (VAN) se réinvente chaque été à travers des expositions, des installations, des éléments du patrimoine, des oeuvres d’art, des ateliers et des parcours d’écoles. Artistes, créateurs, designers et jardiniers animent, réinterprètent et subliment ainsi la ville durant deux mois le long d’une ligne verte tracée au sol. Pour la 13e édition, honneur à l’arbre, ce végétal vivace ! « Dans le film de la ville, l’arbre est un figurant immobile quand tout bouge autour de lui. Pourtant, il nous recouvre et nous domine dès que nous décidons de l’observer », explique Jean Blaise. Au service de la culture à Nantes depuis quarante ans, le directeur général et artistique de l’événement depuis sa création a annoncé en mai dernier qu’il quittera ses fonctions à la fin de l’année 2024. Pour son ultime programmation, l’homme de 73 ans propose trois approches afin de célébrer ce symbole de la vie en perpétuelle évolution : des oeuvres inspirées par les arbres, des interventions artistiques directes sur leur ossature sans les abîmer, et des dispositifs non invasifs pour valoriser leur puissance et leur fragilité.

Cyril Pedrosa, L’évasion, Jardin de la Psallette, Le Voyage à Nantes 2024 © Martin Argyroglo

NATURE URBAINE

L’édition 2024 offre ainsi une myriade d’oeuvres contemporaines et monumentales. À commencer par l’installation d’Henrique Oliveira, Le rêve de Fitzcarraldo, au coeur de la place Graslin. L’artiste brésilien, qui vit et travaille entre Londres et São Paulo, convoque ici l’urbanisme et le végétal, l’organique et le structurel. Dans son processus créatif, il explore les relations entre l’homme, l’architecture et la nature, utilisant des morceaux de bois bon marché (appelés tapumes), destinés à construire les palissades dissimulant les chantiers de construction au Brésil. Sa technique d’assemblage lui permet de créer des oeuvres au sein de décors « qui semblent littéralement proliférer à travers les espaces d’exposition ». Au fil des années, ses créations dans les espaces urbains sont devenues plus audacieuses et immersives, remettant ainsi en question l’impact sur l’environnement.
La création de David Claerbout, Wildfire (meditation on fire) 2019-2020, située au passage Sainte-Croix, rue de la Baclerie, offre un autre regard. L’artiste belge est une figure majeure de l’art vidéo, fusionnant la photographie, la technologie numérique et le son. Formé en peinture et en graphisme à Gand, il a émergé dès les prémices de l’ère numérique dans les années 1990. Il propose ici une représentation animée d’un incendie de forêt dans une installation immersive projetée sur un grand écran. Cette oeuvre contemplative et méditative alerte autant qu’elle pointe la fragilité du monde et la violence des feux de végétation, causés par le dérèglement et le réchauffement climatiques.

Henrique Oliveira, Le rêve de Fitzcarraldo, place Graslin, Le Voyage à Nantes 2024 © Martin Argyroglo

L’HOMME-VÉGÉTAL

Avec La famille des Hybridus et L’enfant Hybridus, Jean-François Fourtou mêle l’humain et le végétal avec une bonne dose d’humour et de poésie. L’artiste français, installé à Marrakech, s’est fait connaître dans les années 1990 par sa pratique de glissements d’échelles, de translations et de rotations au sein de sculptures, nourries de son histoire personnelle. Au fil des années, des figures mi-humaines mi-végétales, nommées Nanitos, Minitos, Maxitos et Hybridus, se sont ajoutées à son univers où le fantastique côtoie le burlesque et l’incongru. Ces créatures sont nées d’histoires racontées à sa fille. Certaines ont des têtes de potiron, d’autres de chou, de tomate, d’artichaut et de navet. Ici, la première oeuvre, installée dans la cour de l’hôtel de Châteaubriant, dit hôtel de Briord, présente des personnages à tête de palmier : Lady Palm, Sir Palm et Monsieur Buisson. La seconde, située place Royale, est un enfant géant de 5 mètres de haut, en pyjama et en chaussons, assis face à la fontaine, représentant un autoportrait de l’artiste et « père » de la famille des Hybridus.
De son côté, Fabrice Hyber défie les proportions d’échelles avec L’homme de bois au coeur du jardin des plantes. Cette oeuvre totémique, faite de bois d’arbres nantais, mesure 6,09 mètres de hauteur et réinterprète la silhouette de L’homme de Bessines (7 fois sa hauteur), son oeuvre la plus emblématique. L’objectif de l’artiste est d’animer ce personnage par des filets d’eau qui lui donneront une patine naturelle, mais aussi lui apporteront une végétalisation par des mousses et des fougères. Devenu le plus jeune lauré at du Lion d’or de la Biennale de Venise en 1997, Fabrice Hyber a étudié les sciences et les beaux-arts. Dans son travail, il dialogue avec de multiples disciplines (de la physique aux neurosciences, de l’astronomie à la phytothérapie). Depuis quarante ans, il garde cette curiosité vivace d’inventer de nouvelles formes d’intervention sur le réel.

Jean-François Fourtou, La Famille des Hybridus, Le Voyage à Nantes
© Martin Argyroglo

ENTRE L’HOMME ET LA NATURE

Yuhsin U Chang nous invite à s’attarder dans le square Maurice-Schwob. À travers une oeuvre, Un Pinus pinea en l’an 2252, l’artiste taïwanaise, installée en France depuis 2003, s’interroge autrement sur le rapport entre l’Homme et l’arbre. Depuis près de quinze ans, elle explore les formes et la poétique du vivant avec des matériaux bruts qu’elle assemble et organise entre sculptures, photographies et dessins. Ici, l’oeuvre se fond dans le pin parasol, l’arbre qu’elle a choisi pour sa forme, son branchage et son houppier. À partir de certaines données, elle a ainsi « projeté en sculpture le diamètre qu’il pourrait atteindre à l’issue de sa croissance ». Cette conception nous projette dans le temps du vivant et extrapole une croissance longue et non contrariée.
Avec Luffy and the Tree, Max Coulon interroge ce même rapport, mais dans un geste à la fois brutal et burlesque. Il enserre par une main gigantesque le légendaire pin « couché », situé à proximité de l’arrêt de tramway Duchesse-Anne. Cette main a été taillée dans un tronc de séquoia, sélectionné par une scierie dans la Sarthe et déjà mort au moment de sa coupe. Ce jeune sculpteur, installé à Paris, travaille le bois, le béton et la brique au sein des ateliers de POUSH à Aubervilliers. Dans des assemblages de techniques détournées et de morceaux de ready-made, il crée des créatures étranges, des personnages et des figures d’animaux. Ses oeuvres jouent ainsi toujours sur la ligne ténue entre le grave et le loufoque.

Yuhsin U Chang, Un Pinus pinea l’an 2252, Le Voyage à Nantes 2024 © Martin Argyroglo

SOURCE D’EAU VIVE

Pour donner vie à la fontaine disparue des bains-douches, élément essentiel du patrimoine nantais, le VAN a fait appel à Claire Tabouret. Dans son travail, l’artiste française, qui vit et travaille à Los Angeles, sonde l’identité, l’enfance et ses mystères à travers leurs multifacettes dans des peintures, dessins et sculptures figuratives. Ici, elle a créé la sculpture en bronze Deux Baigneuses, installée dans le petit bassin de pierre, afin d’apporter une perspective contemporaine. Vêtues de maillots de bain à rayures, au style rétro, ces deux figures féminines s’apparentent à deux soeurs, tout en évoquant l’esthétique des danseuses de Degas. L’effet de patine sur le bronze donne l’illusion que l’eau a altéré la couleur, marquant ainsi le passage du temps, et confère une dimension nostalgique.
On clôt cette 13e édition avec le récit émancipateur et poétique de Cyril Pedrosa. L’auteur de romans graphiques et illustrateur français ajoute une nouvelle étape dans l’histoire des fontaines Wallace, connues dans le monde et créées par le sculpteur nantais Charles-Auguste Lebourg après la guerre de 1870. Les quatre célèbres cariatides ont été contraintes d’incarner Bonté, Charité, Sobriété et Simplicité et de porter un dôme sur leurs épaules afin d’étancher la soif des habitants des villes. Pedrosa a été invité à imaginer L’Évasion, se déroulant en quatre chapitres dans quatre lieux du centre-ville : jardin de la Psallette, rue des États (face au château des ducs de Bretagne), place Fernand-Soil et square Louis-Bureau. Il rend ainsi délicatement hommage à « celles et ceux qui cherchent à échapper aux rôles qui leur sont assignés ».

Claire Tabouret, Deux Baigneuses, Le Voyage à Nantes 2024 © Martin Argyroglo


LE VOYAGE À NANTES – 9, RUE DES ÉTATS, NANTES
JUSQU’AU 8 SEPTEMBRE 2024
LEVOYAGEANANTES.FR

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