Dans l’écrin baroque d’une église désacralisée, l’artiste italienne Paola Pivi signe une installation vertigineuse : un hélicoptère renversé qui interroge la fonction, la perception et le sacré. Une œuvre renversante, au sens propre comme au figuré.

Que reste-t-il du sacré lorsqu’il rencontre l’art contemporain ? À Crémone, dans la région italienne de Lombardie, l’église San Carlo, chef-d’œuvre du XVIIe siècle tombé en sommeil, se réinvente en espace d’art. Pour inaugurer ce lieu chargé d’histoire, la fondation San Carlo a invité l’artiste Paola Pivi. Son installation in situ, visible jusqu’au 29 juin 2025, a pour titre A Helicopter Upside Down, et son sujet est littéral : un véritable hélicoptère Agusta A109AII, retourné sur le dos, posé dans la nef comme s’il avait chuté du ciel pour se figer là, en silence.
Paola Pivi n’en est pas à son coup d’essai. Depuis les années 1990, elle explore les rapports entre objets industriels, environnement et désacralisation du quotidien. En 1997, elle renversait un camion sur le flanc. En 1999, c’est un avion de chasse qu’elle présentait à la Biennale de Venise. Aujourd’hui, l’hélicoptère renversé dialogue avec les fresques, les dorures et les volumes sacrés de San Carlo, créant une tension spectaculaire entre monumentalité, absurdité et contemplation. L’effet est saisissant. L’appareil militaire, symbole de puissance et de vitesse, devient une sculpture méditative, vulnérable dans sa position d’échec. La juxtaposition de cet engin avec l’architecture baroque nous fait nous interroger sur notre rapport à la guerre, au progrès technologique, mais aussi sur la mémoire des lieux et la capacité de l’art à les réactiver autrement.
Plus qu’une installation, A Helicopter Upside Down est un manifeste. Un appel à voir autrement. À ralentir. À inverser notre regard. À Crémone, le projet exposé à San Carlo ne se contente pas de montrer de l’art : il en fait une expérience immersive, vivante, offerte au dialogue entre passé et présent.