L’exposition à la Neue Nationalgalerie à Berlin met en lumière la quête inlassable d’un certain idéal de beauté du père du pop art.

The Rolling Stones « STICKY FINGERS, » 1971 / Private Collection, Berlin
© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc.


Pour le grand public, Andy Warhol (1928 -1987) reste encore aujourd’hui connu pour ses représentations de produits de consommation, ses sérigraphies et ses portraits de stars américaines. La nouvelle exposition de la Neue Nationalgalerie à Berlin vient souligner une récurrence tout au long de sa carrière.

À travers les différents médiums qu’il a expérimentés, il a toujours sondé « la beauté et les défauts du corps, la fragilité et la force, ses propres insécurités et tourments dans de nombreux autoportraits ». C’est ce que montre « Velvet Rage and Beauty », qui retrace son parcours dans le contexte des événements historiques queer de sa vie. Le titre se veut un hommage au livre The Velvet Rage (2005) d’Alan Downs, qui décrit ce que l’on éprouve quand on vit et grandit en tant qu’homosexuel dans un monde majoritairement hétéro.

Andy Warhol (American, 1928-1987), Torso (male genitals), 1977
© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc.

FOISONNEMENT D’IMAGES

L’institution culturelle met ainsi en exergue la recherche constante de cet artiste provocateur, excentrique et controversé pour créer des images durables et visualiser son « idéal de beauté », depuis la fin des années 1940 jusqu’à son décès. Plus de 300 oeuvres, peintures, gravures, dessins, photographies, polaroïds, films et collages offrent ici un aperçu de sa production complexe et influente. Les commissaires Lisa Botti et Klaus Biesenbach, directeur du musée, y voient « une fenêtre d’opportunité » afin de rassembler toutes ces créations, alors que la problématique du genre et de l’homosexualité ne cesse d’être remise en question. « Quand on regarde attentivement et profondément le travail de Warhol, il devient évident que sa pratique artistique est intimement liée au corps », expliquent-ils. L’accrochage expose ainsi un corpus important de ces travaux sur le corps humain, considérés de son vivant comme « inappropriés, immoraux, déviants, voire pornographiques ou illégaux ».

ENTRE CORPS ET DÉSACCORD

L’exposition s’ouvre dans le hall avec le double portrait d’Elvis face au double portrait de Jean-Michel Basquiat en David de Michel-Ange. Elle fait place ensuite, par thématique, à tous les screen tests et les films qu’Andy Warhol a réalisés en 16 images par seconde, comme Sleep, où il observe son ancien partenaire, John Giorno, en train de dormir pendant plus de cinq heures, et Empire, son observation monumentale de l’Empire State Building d’une durée de huit heures. S’ensuivent des séries comme Torsos, composée de1 664 polaroïds de corps masculins filmés comme des « paysages », et Sex Parts, avec de gros plans d’organes génitaux. Ailleurs, le très évocateur Blow Job se veut un portrait filmique de trente-six minutes d’un homme en train de vivre une expérience physique agréable, entre extase et émotions. À l’opposé, A Gold Book montre des dessins romantiques d’hommes rêveurs et de fleurs fragiles aux couleurs délicates. Un regard est également posé sur le Studio 54, ancien haut lieu de la nuit new-yorkaise, qui a libéré la culture queer underground après des années de persécution liée à la « peur violette » et au maccarthysme de Joseph McCarthy.

Andy Warhol (American, 1928-1987), Mick Jagger, 1975
© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc.

INCARNATION DE LA BEAUTÉ

D’autres oeuvres encore illustrent sa quête « de la bonne forme » dans cette notion abstraite du beau. À l’image de Mick Jagger, qu’il admirait et qu’il considérait comme étant l’incarnation de la beauté des années 1960 et 1970. Une cinquantaine de polaroïds montrent les différentes parties de son corps que Warhol a ensuite assemblées pour former un portrait complet. Une approche qu’on retrouve dans l’oeuvre monumentale du double Basquiat, citée plus haut, représentant une pose idéale de la beauté, célébrée par le virtuose de la Renaissance italienne. Ailleurs se dévoilent plusieurs portraits commerciaux peints, comme celui de Muhammad Ali pour la série Athletes avec d’autres stars du monde du sport.Cette recherche continue de l’icône du pop art marque ainsi les contradictions de sa persona. « Toutes ces transformations montrent surtout les réactions de Warhol à l’intolérance sociétale, faisant de la dissimulation et du camouflage du désir queer une nécessité
vitale », expliquent les commissaires. « Une réaction accentuée par sa tentative d’assassinat par Valérie Solanas en 1968, à la suite de laquelle il a été brièvement déclaré cliniquement mort. Pour le reste de sa vie, il a dû porter un corset chirurgical. » L’exposition « Velvet Rage and Beauty » éclaire ainsi les multifacettes de cet homme dans sa quête d’un idéal de splendeur pour souscrire à l’épanouissement.

Andy Warhol (American, 1928-1987), Male Models (Querelle), 1982
© The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc.



« ANDY WARHOL: VELVET RAGE AND BEAUTY » NEUE NATIONALGALERIE
POTSDAMER STR. 50, BERLIN (ALLEMAGNE)
JUSQU’AU 6 OCTOBRE 2024
SMB.MUSEUM

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