Festival dédié au cinéma indépendant américain et français, le Champs-Élysées Film Festival a fêté au mois de juin sa 13e édition. Retour sur deux belles surprises de la sélection 2024, qui nous emmènent à la rencontre de créatures mythologiques.
C’est avec un film pour le moins surprenant que s’est ouverte l’édition 2024 du Champs-Élysées Film Festival. Primitifs est le nouveau long métrage des frères Zellner, icônes du cinéma underground américain, qui s’étaient fait connaître avec l’incroyable Kumiko, the Treasure Hunter en 2014 (le parcours initiatique d’une jeune Japonaise dans le Minnesota rural, à la recherche du trésor prétendument enfoui par le personnage joué par Steve Buscemi à la fin du film Fargo). Cette fois-ci, le duo nous emmène au fin fond des immenses forêts du nord de la Californie à la rencontre de la dernière famille de bigfoots, ces créatures légendaires qui peuplent les histoires de la ruée vers l’or. De manière quasi documentaire, Primitifs suit le petit groupe dans ses activités quotidiennes (cueillette, sexe, rites), bien loin de la civilisation humaine.
Car si l’homme n’a jamais vu le bigfoot, c’est que le bigfoot n’a jamais vu l’homme. Les frères Zellner s’amusent à faire de ces créatures mythiques et effrayantes des êtres tendres, craintifs et naïfs, une sorte de chaînon manquant entre l’homme et l’animal. Primitifs ne contient aucun dialogue, et donc aucun sous-titre. Pour seuls mots, les bigfoots du film émettent une série de cris – de joie, d’excitation, de peur ou de tristesse. Pourtant, sous les impressionnants costumes dignes du cinéma fantastique des années 1970, grimés jusqu’à être à peine reconnaissables, se cachent, notamment, les comédiens Jesse Eisenberg et Riley Keough (Under the Silver Lake, Daisy Jones and the Six).
Notons aussi que si les films des frères Zellner se placent bien loin dans les profondeurs du cinéma indépendant américain, ils s’inscrivent toujours sous le patronage de cinéastes plus connus du grand public. Kumiko était ainsi produit par Alexander Payne (Sideways, Nebraska…). Et ici, on peut lire le nom d’Ari Aster au générique : le réalisateur d’Hérédité et de Midsommar a enfilé la casquette de producteur pour les deux frères. Avec Primitifs, filmé dans les grands et beaux paysages des magnifiques forêts de séquoias du comté de Humboldt en Californie, le duo de réalisateurs nous offre un film qui ne ressemble à aucun autre, et qui nous invite à partir à la rencontre de la dernière grande légende des massifs forestiers américains.
Du côté des films français, la sélection du Champs-Élysées Film Festival a aussi su nous surprendre. En particulier avec Camping du lac, l’étonnant premier film d’Éléonore Saintagnan. Artiste plasticienne de formation, la réalisatrice – qui joue aussi le rôle principal de cette tendre comédie – nous emmène dans l’ouest de la France. Rendez-vous dans un camping de mobil-homes au coeur de la Bretagne où vit à l’année une drôle de communauté réunissant, entre autres, une ex-coiffeuse devenue éleveuse de poules, un couple de gentils retraités et un vieux chanteur de country américain. Tous semblent passionnés par une mystérieuse créature qui, d’après la rumeur, vivrait au fin fond du lac avoisinant. Une sorte de loch Ness armoricain. Un poisson monumental issu des vieilles légendes celtes ou des récits des premiers saints bretons, dont les histoires racontées par le curé africain enthousiasment toute la petite paroisse.
Récompensé au festival de Locarno, Camping du lac place les récits folkloriques dans un décor ultra-réaliste de comédie burlesque et provinciale, façon Bruno Dumont. L’occasion aussi pour la réalisatrice de créer un univers visuel simple mais foisonnant, qui a également fait l’objet d’une exposition, « Believe », fin 2023, au SHED, Centre d’art contemporain de Normandie. Projet né d’une résidence de l’artiste en centre Bretagne, dans un cadre rural et peu connu, loin de la partie touristique de la région, Camping du lac est une comédie surprenante, moins légère qu’elle n’en a l’air. Car, à l’instar de Primitifs, elle utilise la métaphore pour nous amener à nous interroger autant sur l’écologie que sur les traditions, sur la place de l’homme dans un monde fait de nature et de contes populaires.
PRIMITIFS DE NATHAN ET DAVID ZELLNER – PROCHAINEMENT EN SALLES
CHAMPS-ÉLYSÉES FILM FESTIVAL 13E ÉDITION
DU 18 AU 25 JUIN 2024
CHAMPSELYSEESFILMFESTIVAL.COM
CAMPING DU LAC D’ÉLÉONORE SAINTAGNAN – EN SALLES LE 26 JUIN 2024