Sorties cinéma : Renoir, Nino, Egoist, trois films lumineux sur la solitude

Trois grandes solitudes se croisent ces temps-ci au cinéma : l’une dans les rues de Paris, les deux autres dans celles de Tokyo. Mais qu’ils viennent du Japon ou de France (voir des deux, comme c’est le cas du premier long métrage de notre sélection, coproduction franco-japonaise), les films qui les racontent sont à chaque fois riches de tendresse et d’espoir. 

EGOIST_©2023 Makoto Takayama,Shogakukan_TokyoTheatres Co Inc, NIKKATSU CORPORATION,RIGHTS CUBE Inc,ROBOT COMMUNICATIONS Inc

Renoir de Chie Hayakawa

Le deuxième long métrage de la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa (après Plan 75 en 2022) n’a a priori pas beaucoup de rapport avec le cinéaste français éponyme, ou son père, le grand peintre impressionniste. Si ce n’est peut-être un portrait de jeune fille signé Pierre-Auguste Renoir qui apparait au milieu du film, et auquel le personnage principal, la petite Fuki, 11 ans, pense ressembler. Fuki est une gamine pleine de vie, malgré une mère au bord du burnout et un père gravement malade. Renoir se déroule à Tokyo, en 1987, année où la réalisatrice avait le même âge que son héroïne. Difficile donc de ne pas penser qu’il s’agit d’un récit autobiographique. En réalité, le film, baigné d’une douce mais vive lumière et d’un excellent travail de mise en scène (en particulier en ce qui concerne le décor et les costumes), n’est pas vraiment un récit, mais plutôt l’assemblage fragmentaire de moments de vie, comme le sont les souvenirs d’enfance. Sublimés par l’interprétation sensible, touchante et drôle de la jeune actrice principale (Yui Suzuki), ces fragments de vie, pris séparément, ne sont que des points de lumière. Mais vus ensemble, ils composent un magnifique portrait, plus profond qu’il n’en a l’air, d’une jeune enfant bien seule face aux problèmes des adultes. Comme une peinture de Pierre-Auguste Renoir.  

Renoir – Photo 3 (c) Eurozoom2

Nino de Pauline Loquès

En 1962, dans Cléo de 5 à 7, Agnès Varda suivait, de 17 h à 19 h, une jeune femme à Paris dans l’attente des résultats d’analyses médicales pouvant lui dire si elle était atteinte d’un cancer. Pauline Loquès reprend un dispositif similaire avec Nino, et invite le spectateur à suivre cette fois-ci un jeune homme dans le Paris de 2025. On vient de diagnostiquer un cancer à Nino. Il a trois jours avant de commencer son traitement ; trois jours à tenter de s’avouer à lui-même, puis aux autres, l’impensable : un cancer, à 30 ans. On pourrait penser que le film de Pauline Loquès est plombant, mais il est tout l’inverse : doux, et même souvent drôle. Il faut dire que l’écriture subtile rencontre des comédiens formidables : la trop rare Salomé Dewaels, l’hilarant et émouvant William Lebghil et même Jeanne Balibar dans le rôle d’une mère légèrement à l’ouest. Si tous les rôles, même les plus petits, sont impeccablement écrits et interprétés, la révélation du film de Pauline Loquès reste Théodore Pellerin, qui incarne le rôle-titre. On avait déjà vu l’acteur québécois en Jacques de Bascher dans la série Becoming Karl Lagerfeld, ou dans le très beau Genèse de Philippe Lesage. Mais dans Nino, il est attachant de maladresse et de sobriété. En 1962, Agnès Varda avait un regard extrêmement contemporain sur l’expérience féminine dans les années 1960, incarnée par une grande actrice (Corinne Marchand). Plus de soixante ans plus tard, Pauline Loquès raconte avec une rare acuité, et à l’aide d’un comédien habité par la grâce, ce que signifie être un jeune homme, à Paris, en 2025. 

Photo 2 NINO Copyright Blue Monday Productions – France 2 Cinéma

Egoist de Daishi Matsunaga

Lorsqu’il était enfant, Kōsuke a perdu sa mère. Une expérience traumatisante au cœur d’une jeunesse difficile dont il ne s’est jamais remis. Depuis, le jeune homme s’est forgé une armure. Comme pour beaucoup d’anciens enfants brutalisés à l’école, sa cotte de mailles, c’est son apparence extérieure : il prend soin de son corps, de son visage, de sa coupe de cheveux, et s’affiche toujours avec des vêtements de marque. Comme autant de signes extérieurs de richesse. Car Kōsuke a réussi : éditeur dans un magazine de mode, il gagne très bien sa vie et possède un grand appartement à Tokyo. Mais il est seul. Il cache depuis toujours à son père son homosexualité, et s’il vit à visage découvert avec sa bande d’amis, la société japonaise, où l’amour entre personnes du même sexe reste un grand tabou, l’empêche d’expérimenter la vie de couple alors qu’il en aurait envie, même s’il ne se l’avoue pas forcément. Il ressent pour son coach sportif plus qu’une simple attraction ; et c’est réciproque. Mais le sort s’acharne. Malgré une mise en scène parfois inégale, Egoist est un film aussi nécessaire – encore aujourd’hui, peu de films évoquent l’homosexualité au Japon – que tendre et émouvant, en particulier dans sa deuxième partie où une nouvelle personne inattendue vient prendre la place restée vide dans le cœur de Kōsuke. 

EGOIST_©2023 Makoto Takayama,Shogakukan_TokyoTheatres Co Inc, NIKKATSU CORPORATION,RIGHTS CUBE Inc,ROBOT COMMUNICATIONS Inc (3)

Des experiences et une culture qui nous définissent

Ne ratez aucun article

Inscrivez-vous à notre newsletter