L’or du temps, voyage poétique dans la Grèce antique 

Bâtie au début du siècle dernier, la villa Kérylos, voulue par l’archéologue et mécène Théodore Reinach, est un hommage éclatant à la civilisation grecque. Posée sur l’une des rives de la Méditerranée à Beaulieu-sur-Mer, la bâtisse a été construite sur le modèle des maisons nobles du IIe siècle avant Jésus-Christ en Grèce. Une centaine d’années après son érection, la demeure accueille une exposition signée par l’artiste Gabriel Léger. Vivant entre Paris et Athènes, passionné par la Grèce, le plasticien offre ici un voyage dans le temps, mais aussi à travers les mondes invisibles.

À deux pas du rivage, la villa Kérylos semble s’être perdue dans l’espace-temps. Synthèse des ruines de plusieurs maisons grecques de l’île de Délos, cette merveille construite entre 1902 et 1908, dans un état exceptionnel, s’offre comme écrin pour abriter l’exposition « L’Or du temps ». Celle-ci accueille une dizaine d’œuvres. La première d’entre elles est une sandale de laiton, accrochée à l’entrée de la villa.« C’est un symbole qui appartient à une légende de l’Antiquité grecque », explique Gabriel Léger. « Il puise son origine dans l’histoire du philosophe, médecin, thaumaturge, magicien, Empédocle d’Agrigente. Ce dernier se serait jeté dans le volcan Etna et aurait laissé derrière lui une sandale de bronze. Ainsi, cette unique sandale incarne la possibilité d’un passage entre deux mondes, d’aller aux Enfers et d’en revenir. Dans le contexte de l’exposition, cette sandale accrochée évoque la possibilité de trouver quelque chose à l’intérieur de la villa, mais aussi et surtout d’en sortir grandi, car le parcours est ponctué de références érudites au monde antique» Ainsi, la prochaine étape de cette déambulation nous emmène découvrir Ithaque, un poème du Grec Constantin Cavafis, dont les premières strophes sont inscrites sur des rubans de laiton, exposé dans l’entrée de la demeure. Puis place à l’orphisme, un courant religieux de la Grèce antique, avec une installation pleine de poésie qui prend place dans les bains.

Nous poursuivons ensuite dans le péristyle, délimité par sa colonnade. En son centre, un laurier, qui devient le temps de l’exposition un arbre à prières. Sur ses branches sont accrochés des rubans de laiton gaufrés sur lesquels on peut lire : « Comment recouvrer la santé ? », « Aurai-je droit au bonheur ? ». Des interrogations destinées aux oracles de Dodone, l’un des plus vieux sanctuaires oraculaires de l’Antiquité. 

Direction la bibliothèque. Gabriel Léger se souvient de sa première visite. « J’avais vraiment été frappé par cette bibliothèque, où les livres sont invisibles, car tous cachés. D’une certaine façon, j’ai voulu remettre des mots, remettre du texte, ouvrir les livres. En effet, j’y présente deux œuvres, qui sont liées à la poésie, ou plutôt aux poésies. Je me suis inspiré des lamelles d’or orphiques, qui étaient des petites lamelles sur lesquelles cette secte inscrivait la phrase que l’âme doit prononcer après la mort. Et j’ai fait une sorte d’agrandissement de ces fameuses lamelles d’or pour écrire un grand poème que j’ai moi-même composé à partir de poésies antiques, modernes et contemporaines grecques ». En hauteur, au niveau des coursives, d’autres rubans se déploient. Sur leur longueur est inscrit un essai disparu de Philodème de Gadara, carbonisé lors de l’éruption du Vésuve à Herculanum. « Pour cette œuvre, j’ai utilisé une presse à plaque d’immatriculation. J’aime beaucoup ce rapport entre un texte antique qui est écrit et une méthode industrielle. Pour moi, c’est aussi une évocation du film Orphée de Cocteau, où l’on voit Jean Marais qui écoute la radio pour essayer de capter une poésie qui vient des enfers. Aujourd’hui, nous n’utilisons plus de télégrammes, mais je vois ces rubans comme les premiers télégrammes qui nous viendraient de l’Antiquité. »

Tout au long de l’exposition, l’artiste multiplie d’ailleurs les ponts, les correspondances entre les racines historiques de la Grèce et notre monde. Ils prennent la forme de miches de pain, conçues à l’aide de levain athénien, ou de végétaux prélevés sur l’Acropole puis immortalisés dans le métal. Une pluie attique se voit également imprimée dans une plaque de bronze. Une délicieuse errance hellène remplie de poésie. 

« L’Or du temps. Gabriel Léger à la villa Kérylos »
Rue Gustave Eiffel, Beaulieu-sur-Mer
Jusqu’au 21 septembre 2025

villakerylos.fr

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