Chez Schiaparelli, un collier n’est jamais un simple bijou. L’or y assume le rôle principal ; et des mains, des yeux ou un nez sculptés viennent troubler la frontière entre mode et art. Pourquoi ces fragments anatomiques reviennent-ils sans cesse et que disent-ils de la maison de mode ?
Elsa Schiaparelli aimait l’inattendu. Dans les années 1930, elle collabore avec Salvador Dalí et Jean Cocteau, parsemant déjà ses collections d’oreilles, de lèvres ou de profils stylisés. Son goût pour le jeu visuel s’inscrit durablement dans l’ADN de la marque. Lorsque la maison de couture renaît au XXIe siècle, ces symboles ressurgissent comme des clins d’œil à sa fondatrice.
Chez Schiaparelli, le métal doré n’est pas un simple placage. Daniel Roseberry, directeur créatif depuis 2019, voit l’or comme une matière vivante capable de rivaliser avec la lumière des podiums et des musées. Il en recouvre boucles d’oreilles, colliers et minaudières pour rappeler l’audace baroque d’Elsa tout en modernisant ses codes. Dans la collection automne-hiver 2025-2026, l’or prend même de la légèreté et dessine des chandeliers où se nichent yeux et nez stylisés.


Pourquoi ces détails de notre anatomie ? D’abord parce qu’ils incarnent le regard surréaliste de la maisonSchiaparelli. Une main posée sur une clavicule devient un geste de protection, un œil suspendu à une oreille évoque la vigilance intérieure, un nez sculpté rappelle la liberté de sentir le monde à sa manière. Roseberry souligne que chaque bijou est un organe, aussi essentiel qu’un cœur ou un poumon. Le résultat interroge le spectateur : où finit le corps, où commence l’ornement ?
À ces parties du corps dorées s’ajoute le trou de serrure, petite ouverture ovale imaginée par Elsa comme fermoir de sac, devenu emblème de la curiosité. Il se pose aujourd’hui sur des boutons, boucles ou pendentifs pour suggérer qu’un mystère se cache derrière chaque tenue. Ce jeu permanent de symboles construit une grammaire que la marque décline de saison en saison sans jamais se répéter.
En ponctuant ses créations de motifs emblématiques, la maison Schiaparelli fabrique une mythologie immédiate. Les bijoux ne décorent pas : ils racontent un courage, une lucidité, une curiosité. Porter un œil, c’est promettre de voir, glisser une main, c’est promettre d’agir. L’or sert de liant : il donne à ces petites fables l’éclat d’un talisman que l’on glisse au creux de soi et que le monde reconnaît aussitôt.
Ces fragments anatomiques reviennent parce qu’ils rappellent que la création n’a de sens qu’à la mesure de la personne qui la porte. Chez Schiaparelli, chaque bijou est un morceau d’âme rendu visible, une petite preuve que le corps et l’esprit dialoguent encore. Loin d’un luxe muet, l’or devient la langue vive de cette vision : il capte la lumière pour mieux raconter notre part de mystère et d’audace.










