Pour sa 27e édition, la foire internationale de la photographie contemporaine Paris Photo est revenue en grande pompe sous la Nef du Grand Palais, avec Jim Jarmusch en invité d’honneur et une programmation copieuse et variée.

© Rafał Milach / Jednostka Gallery
© Courtesy de l’artiste et de la galerie Les filles du Calvaire
C’est à une sélection sans précédent que nous a conviés Paris Photo cette année. Plus de 240 exposants venus de 34 pays se sont réunis dans les 21 000 mètres carrés du Grand Palais récemment rénové. Au total, 195 galeries dont 66 nouvelles participations et 45 éditeurs français et internationaux ont ainsi présenté 1 328 artistes. Des chiffres précis pour une itération sous le signe de la diversité, bien plus conséquente, introspective et inclusive que les années précédentes. Depuis 1996, Paris Photo n’a eu de cesse de présenter le meilleur de la photographie. En 2024, Florence Bourgeois, directrice de la foire, et ses équipes ont vu grand. Entre nouveautés et retours, Paris Photo a continué de célébrer pendant quatre jours l’héritage et l’émergence de la photographie, tout en créant des dialogues entre les oeuvres historiques et les pratiques contemporaines.
Livre, ANDRÉ FRÈRE ÉDITIONS © Kourtney Roy
PLURALITÉ DES SECTIONS
Au coeur de la Nef, le secteur Principal a étendu son champ d’action avec 147 galeries, mettant en lumière des solo, duo et group shows. Les projets « Prismes » ont notamment présenté des grands formats, des séries photographiques et des installations en choisisant une approche historique et contemporaine, questionnant les limites de l’image. Parmi les oeuvres figure entre autres le travail d’Anton Kusters, représenté par la galerie In-Dependance by Ibasho. L’artiste visuel multidisciplinaire belge a dévoilé Blue Skies, une série de 1 078 photographies de ciels bleus capturés sur des sites d’anciens camps nazis, abordant les thèmes du traumatisme et de la commémoration.
Cette année, la foire s’est ouverte à plusieurs nouveautés grâce au gain d’espace procuré par le Grand Palais. « Voices » fait ainsi partie des nouvelles sections, sous la curation de trois commissaires internationaux : Sonia Voss, Elena Navarro et Azu Nwagbogu. Ce secteur a exploré la place de l’archive et la scène artistique latino-américaine, d’Europe de l’Est et du Nord après la Guerre froide. La première curatrice a révélé « 4 murs », se penchant sur le rôle de la chambre en tant que laboratoire, théâtre personnel et observatoire pour libérer les artistes et transfigurer le réel. La seconde a exposé « Paradis imparfaits », remettant en question les conditions sociales, politiques et économiques des pays d’origine des artistes. Le troisième a revisité et réinterprété l’objectivité des archives dans « Corps Libérés » pour de nouvelles perspectives sur l’expression créative et la réflexion intellectuelle.
DROSTE © Christiane Peschek
La section « Émergence », curatée par Anna Planas, a mis l’accent sur la scène contemporaine avec plus d’une vingtaine d’expositions monographiques. Elle a poussé à l’expérimentation du médium vers de nouvelles voix, montrant la dynamique d’une nouvelle génération d’artistes. La section « Édition » a témoigné du rôle central de l’ouvrage dans l’histoire de la photographie, marquant le retour des livres anciens.
Si, en 2023, Paris Photo est devenue la première foire d’art en Europe à créer un pôle « Digital », la commissaire Nina Roehrs a enrichi cette année ce dernier avec 15 galeries et plateformes. Sous la Nef du Grand Palais, des expositions collectives et des solo shows ont ainsi offert un panorama de la photographie à l’intersection de la technologie et de la digitalisation.
© ADAGP, Paris 2023 / Womanray
JIM JARMUSCH ET DEUX ANNIVERSAIRES
Une figure éminente du cinéma américain indépendant s’est emparée de cette 27e édition. À l’occasion du centenaire du surréalisme, qui fait écho à l’exposition événement du Centre Pompidou, Jim Jarmusch a été invité à créer un parcours d’oeuvres pour un dialogue entre le cinéma, la musique et l’image. Depuis quarante ans, l’artiste multidisciplinaire entretient des liens profonds avec la photographie. Il a également créé de nombreux collages rarement vus par le public, qu’il a réunis dans l’album Some Collages (Anthology Editions, 2021).
Dans cette scénographie thématique à Paris Photo, il a présenté Return to Reason, composé de quatre films de Man Ray, explorant le médium cinématographique dans la continuité de la peinture et de la photographie. Jim Jarmusch a lié l’ensemble par la musique de SQÜRL, son groupe de post-rock d’avant-garde.
Le cinéaste de Permanent Vacation, Stranger Than Paradise ou encore Paterson était aussi un ami fidèle de Robert Frank (1924-2019), qui a toujours été pour lui une source d’inspiration. Le photographe suisso-américain, qui a su redéfinir l’iconographie et l’esthétique de l’image fixe et en mouvement, célèbre tout autant les 100 ans de sa naissance à Paris Photo. Si la galerie Pace lui a consacré un solo show à l’ouverture de la foire, Thomas Zander a offert une exploration de son influence sur les nouvelles générations, tandis que la maison d’édition Steidl a remis en lumière son travail éditorial.
© Hiroshi Sugimoto, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco
© ALBERTO DAMIAN
DES GRANDS NOMS ET LA PLACE DES FEMMES
Comme de coutume, Paris Photo a honoré d’autres grandes figures de la photographie. Parmi les solo shows, la galerie Fraenkel a présenté une rétrospective du travail de Hiroshi Sugimoto, explorant le temps et la mémoire à travers des photographies et des installations vidéo. William Wegman, connu pour ses clichés centrés sur ses chiens, a été mis à l’honneur chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois. La foire a également mis en avant Charlotte Perriand chez M77, Nil Yalter chez 1 Mira Madrid, Claudia Andujar chez Vermelho ou encore le duo show de Fred Herzog et David Hockney à la galerie Equinox.
L’exposition « Elles × Paris Photo », organisée par Raphaëlle Stopin, directrice du Centre Photographique Rouen Normandie et ancienne directrice artistique du Festival de Hyères, a fait briller la place des femmes dans les arts et la culture. Depuis son lancement en 2018, en collaboration avec Women in Motion, cette initiative a fait passer la part des femmes photographes de 20 % à 38 % en six ans.
Pour cette 27e édition, le groupe de luxe Kering a soutenu financièrement quatre galeries : Higher Pictures (New York), Martini & Ronchetti (Gênes), Monitor (Rome), Nadja Vilenne (Liège). « Elles × Paris Photo » a concentré cette année ses différents regards sur les silences de l’histoire. Notamment à travers les artistes femmes qui se sont saisies du moyen d’expression dans l’après-guerre pour contrecarrer les modèles et les normes, le considérant comme un outil de recherche plastique et d’expérimentations.
© Lucile Boiron / Galerie Hors-Cadre
DE LA DIVERSITÉ JUSQU’À LA JEUNESSE
Le retour au Grand Palais a été également l’occasion de présenter « The Forms of Things, The Forms of Skulls, Forms of Love », un ensemble d’oeuvres de photographes lituaniens issu des collections de la Bibliothèque Nationale de France (BnF), du Centre Pompidou et de l’Union des Photographes de Lituanie. Ce fonds a permis de mettre en lumière le travail peu connu de cette génération active dans les années 1960 à 1980.
Parmi les autres nouveautés de la foire, des stands ont également fait leur entrée. À l’exemple de la Fnac, qui a présenté « Affaires de regards », une sélection de clichés parmi les 1 800 oeuvres de sa collection photographique, de Brassaï à Martin Parr. Mais aussi de Photo Élysée, un des plus importants musées consacrés à la photographie, qui a dévoilé les projets des huit finalistes du Prix Élysée 2025.
Cette 27e édition a par ailleurs inauguré un espace pédagogique interactif dédié au livre photo jeunesse, coproduit par l’Institut pour la Photographie et Photo Élysée. L’exposition « L is for Look » a exploré l’évolution de ce secteur depuis les années 1930. Une belle initiative pour faire connaître et enseigner la photographie au jeune public.
Et enfin, « À Paris pendant Paris Photo » a proposé un aperçu de toutes les expositions et événements qui se sont déroulés tout au long des quatre jours, dévoilant la scène culturelle et le patrimoine photographique de la capitale française.
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