Le photographe louisianais nous transporte dans un univers où ses rêves prennent vie dans des images récréatives, dynamiques et colorées, tout en portant un regard satirique sur la société américaine.
Joel Dubroc fait partie des talents émergents qui s’imposent sur la scène photographique. Ce diplômé du New Orleans Center for Creative Arts (NOCCA) et du Savannah College of Art and Design (SCAD) a bâti sa carrière en travaillant quelques années avec David LaChapelle. Rien d’étonnant à la vue de son portfolio. Ses oeuvres enlevées et colorées flirtent avec l’imaginaire et l’onirisme, l’humour et l’ironie, la vie et les souvenirs, l’exagération et la culture consumériste. Ce natif de Louisiane, installé non loin de La Nouvelle-Orléans, s’inspire de sa vie dans le Sud, de ses performances, enfant, inspirées du Magicien d’Oz, et de son goût pour l’imaginaire du Dr. Seuss. « Pour moi, la photographie est une reconnexion à cet esprit de jeu et de créativité », explique-t-il. Sa grande force est d’agir à toutes les étapes du processus créatif. Il est également coiffeur, maquilleur, concepteur de décors, directeur artistique, styliste, technicien d’éclairage.
CRITIQUE DU CONSUMÉRISME
À travers son projet Blue Book, il sonde les thèmes de la société de consommation, du deuil, de la survie, de la transformation, des bizarreries du quotidien et des normes sociétales. Ses récits visuels mettent au premier plan ses amis et sa famille dans la peau de personnages qui reflètent des fragments de leur vie. Sur certaines des 11 photographies sélectionnées, il s’amuse ainsi à poser un regard critique sur le consumérisme et le fast-food. Ici, une femme vêtue de bouteilles de lait en verre devient un symbole visuel de l’excès et de la surconsommation. Là, une autre, le visage déformé et peinturluré façon Cindy Sherman, tient une boîte de Spam et un sac de pain emballé dans du plastique à l’effigie du drapeau étoilé.
La thématique se décline sur la technologie du « tout connecté » avec un homme se balançant à des fils téléphoniques, en référence aux paroles de Summertime Sadness de Lana Del Rey, « Telephone wires above are sizzlin’ like a snare. » Et même sur les sports extrêmes, avec ce parachutiste qui saute d’un avion en combinaison à carreaux et talons hauts, soulignant ce besoin irrépressible de vanter le spectaculaire sur les réseaux sociaux.
DE LA NATURE À L’IMAGINAIRE
Joel Dubroc ne cesse jamais de rêver ses visions photographiques, abordant tout autant la manière dont la nature reconquiert les vestiges d’une vie abandonnée. Comme cette image poétique d’un fauteuil rouge vintage, envahi par des écureuils. Son imagination fait d’ailleurs des détours inattendus lorsqu’il s’empare des « truffula trees » de Dr. Seuss, vus dans Horton et Le Lorax. Des femmes vêtues de ruban adhésif rouge montrent ainsi que leur rôle est aussi indispensable que celui des arbres dans la survie de la civilisation humaine. Il pousse autrement cet aspect onirique et féerique avec une drag queen s’élevant dans les airs, une mannequin entourée d’une cascade de plumes bleues ou inspirée de la reine Amidala de Star Wars, ornée d’une perruque surdimensionnée. L’oeuvre de Joel Dubroc est un voyage infini et ouvert à l’interprétation. Son travail a été présenté dans plusieurs magazines et mis en lumière dans l’ouvrage Class of 2024, publié par la maison Thames & Hudson, qui célèbre ses 75 ans d’existence. « J’aspire particulièrement à redevenir un enfant », aime-t-il à répéter au sujet du projet Blue Book. « J’ai adoré la respiration insouciante et l’excitation constante. Quand la vie est si chaude qu’elle brûle en bleu. »
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