Le centre culturel des Franciscaines de Deauville met à l’honneur ce grand photographe de guerre dans une exposition constituée de 150 documents d’époque, qui s’accompagne également d’un bel ouvrage, pour une immersion totale dans sa création d’images.
Dans le cadre du 80e anniversaire du débarquement et de la bataille de Normandie, le lieu patrimonial des Franciscaines fait résonner le
devoir de mémoire et rend hommage au père du photojournalisme moderne, Robert Capa (1913-1954). Celui-ci a très tôt été reconnu comme « le plus grand photographe de guerre du monde » par le Picture Post en 1938, pour son reportage sur le conflit civil espagnol. Cependant, Magnum Photos, partenaire de l’événement et agence qu’il a cofondée en 1947 avec ses amis Henri Cartier-Bresson, David Seymour et George Rodger, rappelle que c’était aussi un homme qui n’aimait pas la guerre.
Aujourd’hui, l’exposition « Robert Capa, Icônes » vient célébrer la puissance et la spontanéité de son travail, nourrie de photographies qui ont fait le tour de la planète, tout en revenant sur les fameuses controverses qui entourent certaines images. On cite parmi les plus illustres son cliché de la guerre d’Espagne, qui capte l’instant de mort d’un soldat milicien en 1936, fauché par une balle, ceux de la libération de Paris et de la bataille des Ardennes. Et bien sûr, les photographies du D-Day le 6 juin 1944 lors du débarquement des troupes américaines à Omaha Beach. Ces 11 images, surnommées The Magnificent Eleven, seraient les seules à avoir survécu parmi toutes celles qu’il aurait saisies sur le vif.
ENTRE ICÔNES ET INÉDITS
Tirages originaux, journaux, livres, objets… Plus de 150 documents d’époque sont ainsi exposés aux Franciscaines, issus principalement de la collection Golda Darty et des archives de Magnum. Ils remettent en contexte et en lumière la vie et l’oeuvre de Robert Capa, né Endre Ernő Friedmann de parents juifs à Budapest. Installé à Paris en 1933 après avoir été chassé par l’Allemagne nazie, il quitte la capitale française en 1939 pour rejoindre sa famille à New York. Durant sa courte existence, il a couvert cinq guerres : Espagne, Chine, Seconde Guerre mondiale, Israël et Indochine. À travers l’essor du photojournalisme qu’il a favorisé, il a aussi et surtout veillé au sein de Magnum à la reconnaissance des photoreporters dans leur liberté d’action (vente directe aux journaux, protection des tirages et des négatifs, contrôle des légendes sur les
clichés). Sa renommée est due également à cette presse illustrée en quête incessante d’images, comme Regards, Vu, Collier’s, Holiday et Life, à une époque où la télévision n’avait pas encore atteint les foyers. Mais Robert Capa n’était pas seulement sur le front, caméra au poing. Il était aussi cet amoureux de la couleur, capturant des portraits de personnalités comme Pablo Picasso, Henri Matisse et son fils, Ingrid Bergman, avec laquelle il eut une relation secrète, Ava Gardner dans La Comtesse aux pieds nus. Il a ainsi frayé avec les terres de la mode, du cinéma, du voyage, et des courses hippiques.
PROCESSUS DE CRÉATION
Tout ce corpus d’oeuvres vient ainsi élargir la palette plus méconnue de ce géant de la photographie. Dans les salles des Franciscaines, Michel Lefebvre, commissaire de l’exposition, présente plusieurs objets phares : l’un de ses appareils Leica, sa machine à écrire Remington, qui servait entre autres à rédiger les légendes des photos, son permis de conduire et de nombreux tirages. « Robert Capa, Icônes » décompose ainsi ses méthodes de travail qui ont fait naître des images ancrées dans la mémoire collective. Elle met également en exergue l’investissement de son frère cadet, Cornell Capa (1918-2008), qui a oeuvré toute sa vie à chercher, rassembler etbâtir « une histoire officielle » sur les milliers de photos dispersées dans le monde après la mort du photographe sur une mine antipersonnel, en Indochine, en 1954. L’armée française lui a décerné la croix de guerre à titre posthume et le prix Robert Capa Gold Medal a été créé en son honneur un an plus tard. Il vient récompenser chaque année « le meilleur grand reportage photographique publié ayant requis un courage et une initiative exceptionnels ». Celui qui a su saisir le vif et l’émotion ne cesse encore aujourd’hui d’inspirer et d’influencer les nouvelles générations de photojournalistes.
« ROBERT CAPA, ICÔNES » LES FRANCISCAINES
145 B, AVENUE DE LA RÉPUBLIQUE, DEAUVILLE
JUSQU’AU 13 OCTOBRE 2024
LESFRANCISCAINES.FR