MARIE-LAURE DE DECKER, LA GUERRIÈRE DE L’OBJECTIF

Jusqu’au 28 septembre 2025, la Maison européenne de la photographie (MEP) consacre la première grande rétrospective à Marie-Laure de Decker, figure majeure et inclassable du photojournalisme.  

Marie-Laure de Decker, Simone de Beauvoir lors du rassemblement de la Foire des femmes, Vincennes, 16-17 juin 1973

On pourrait résumer ainsi le credo de Marie-Laure de Decker : regarder le monde sans détour, avec une acuité tendre et intrépide. Son œuvre s’est inscrite dans l’histoire du photojournalisme comme une ligne de crête entre guerre et paix, entre l’intime et le politique. À travers cette rétrospective inédite, la MEP ne célèbre pas seulement une photographe de guerre, mais une conscience.

Née en 1947 et disparue en 2023, Marie-Laure de Decker a fait de la photographie un acte d’engagement. Dans les années 1970, elle choisit d’arpenter les champs de bataille avec pour seule arme son Leica. Dans un monde largement masculin, elle trace sa route avec audace, refusant de montrer la violence brute au profit des visages, des gestes, des silences. Là où d’autres cherchaient l’impact, elle capte le frémissement.

De ses reportages sur le Vietnam, le Tchad ou l’Afrique du Sud émergent des images sans artifice, pleines d’humanité. Elle photographie les combattants tchadiens avec une sobriété poignante, révélant fatigue et dignité. Ses portraits de militantes yéménites montrent la force intérieure sans posture ni mise en scène. Sa photographie n’est jamais frontale. Elle interroge plus qu’elle ne dénonce.

La MEP met en lumière cette approche singulière, souvent restée dans l’ombre des récits officiels. Car l’histoire de Marie-Laure de Decker est aussi celle d’une femme qui a dû conquérir sa place dans un monde où les femmes reporters étaient l’exception. Elle a ouvert la voie, brisé les règles, laissant une trace indélébile dans le photojournalisme par son courage, son intégrité et son regard. 

Son œuvre ne se limite pas à la guerre. Dès les années 1980, elle explore d’autres territoires : la mode, le cinéma, les arts. Elle photographie des figures comme Marcel Duchamp, Françoise Sagan ou Catherine Deneuve, toujours avec cette volonté de capter l’être plutôt que le paraître. Même dans ses portraits de personnalités politiques – Mandela, Mitterrand, Giscard –, elle refuse l’icône figée pour préférer le geste humain, le regard en creux.

Marie-Laure de Decker, c’est une signature, libre de toute école, qui prolonge une tradition française à la Cartier-Bresson tout en s’en affranchissant. Une photographe-passeuse, qui nous tend des images comme on tend la main, avec douceur et gravité.

Cette rétrospective est une reconnaissance, mais aussi un rappel. Elle nous enseigne que l’image peut résister, que le regard peut devenir un acte. Dans une époque saturée de contenus rapides, Marie-Laure de Decker nous invite à ralentir, à lire les visages comme des récits, à comprendre la guerre par ceux qui la vivent, et non ceux qui la mènent. 

En réhabilitant l’œuvre de Marie-Laure de Decker dans une première grande rétrospective, la MEP rend justice à une pionnière. Elle l’inscrit aux côtés de Gerda Taro ou Lee Miller dans le panthéon des grandes photographes de guerre. Mais elle rappelle surtout ceci : une femme, armée d’un appareil photo et d’une conviction farouche, peut ébranler les récits dominants et écrire l’histoire autrement. 

« Marie-Laure de Decker – L’image comme engagement »
Maison européenne de la photographie (MEP)
5/7, rue de Fourcy, Paris 4e 
Jusqu’au 28 septembre 2025


mep-fr.org

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